Pour la cuisson, toute la maisonnée était sur le pied de guerre pour cet évènement, du grand-père pour sa connaissance des pratiques liées au chauffage du four, aux petits-enfants charmés par l’odeur dégagée de la cuisson à laquelle on ajoutait parfois les jours de fête (notamment pour la fête patronale) la cuisson de tartes ou brioches faites maison.
« Je me souviens de l’agitation qui régnait à la maison lorsque mes parents faisaient le pain, deux fois par mois. Le soir, après la soupe, mon père vidait dans la maie un sac de farine. Pendant une bonne heure, ma mère travaillait la pâte, la soulevant de ses bras nus et la jetant violemment. Toute la nuit, la pâte gonflait.
Mon père levé une heure plus tôt que d’habitude, chauffait le four avant d’aller à sa journée. Armé d’une vieille fourche en fer à long manche, il enfournait dans le brasier des fagots d’épines, les poussant aux quatre angles du four pour que la chaleur y fût bien égale. Pendant ce temps, ma mère répartissait la pâte par petits paquets dans des bourriches de paille, confectionnées durant l’hiver, qu’elle plaçait dans le lit encore chaud et recouvrait de couverture. Lorsque tous les fagots avaient brûlé, elle vérifiait que le four était bien chaud.
Avec une rabale, sorte de râteau fait d’un morceau de planche fixé au bout d’un long manche, elle commençait à ratisser les braises, les repoussant contre les parois. Ensuite, elle prenait les bourriches, les renversait d’un coup sec sur une grande pelle plate et saupoudrait la pâte d’une poignée de farine. Mon père, ruisselant de sueur, faisait glisser la pelle sur les briques brûlantes, la retirait d’un geste rapide jusqu’à ce que la dernière miche trouvât sa place face à l’entrée du four, que l’on fermait immédiatement d’une plaque de tôle. Mon père pouvait enfin partir aux champs. »
C’est ainsi que Henri Pitaud raconte ses souvenirs (Le Pain de la terre) que peut-être certains d’entre vous ont connu également avec plus ou moins de divergences. Pour les autres, l’odeur du pain cuit chatouille peut-être vos narines, une odeur de bon pain de campagne… si ce n’est que jusqu’à la fin du 19ème siècle, le pain du paysan n’était pas blanc, à base de froment, mais de son et de seigle donnant une teinte noirâtre à la mie.
D’autant que le pain était souvent consommé rassis, sec, du fait que les fournées avaient souvent lieu deux fois par mois, plus ou moins selon l’importance et l’aisance des familles : la douceur du pain sorti tout juste du four était réservé aux grands visiteurs ou à des circonstances exceptionnelles : visite des propriétaires aux fermiers, mariage…