Lorsque l’on évoque les costumes traditionnels régionaux, ce sont bien souvent les coiffes, les sabots ou les vêtements d’apparat qui viennent à l’esprit, or, il est un élément que l’on oublie trop souvent : la parure, le bijou. Nous avons déjà évoqué les chaînes à chapeaux mais d’autres ornements venaient enrichir le costume en Bresse : les émaux bressans.
Chantés par le poète bressan Gabriel Vicaire en 1929 avec son recueil « Emaux bressans », ils sont évoqués pour la première fois en 1397 à Bourg-en-Bresse grâce aux émailleurs bressans qui ont fait la renommée de ces bijoux qui ont connu leur heure de gloire au 19ème siècle. Au départ porté par les grandes familles bressanes (avant tout dans l’Ain) à la richesse ostentatoire, ce signe de prestige à dépassé nos frontières pour connaître une renommée internationale. Au cours de ce siècle, les grands de ce monde firent la promotion du savoir-faire des émailleurs bressans  à l’image de la reine d’Italie qui portait ces bijoux ou du Shah d’Iran pour qui on réalisa une parure de bureau. Les émaux bressans furent même à la mode à Paris grâce à une artiste lyrique qui, au lieu d’interpréter en 1834 l’opéra de Fra Diavolo en Napolitaine, revêtit le costume bressan paré des plus beaux émaux : toutes les dames les admirèrent et un véritable engouement eut lieu autour des émaux bressans.
La renommée des émaux bressans tient à leur aspect coloré, lumineux, chatoyant (qui allaient par ailleurs à merveille avec le costume bressan puisqu’ils le rehaussaient) mais aussi au grand savoir-faire des émailleurs locaux. La particularité de ces émaux est que l’or qui les compose est directement placé sur l’émail, caractéristique unique en France.
La matière première utilisée par les émailleurs était la poudre d’émail, du cristal affiné, provenant de Limoges, colorée avec du cobalt ou du nickel pour obtenir du bleu, de l’argent, de l’antimoine pour le jaune, du fer, du cuivre, du chrome pour le vert, du manganèse pour le violet, de l’or pour le carmin… Ni champlevés, ni cloisonnés, les émaux sont réalisés sur fond d’argent fin, de vermeil et parfois d’or ; ce fond est légèrement croisillonné afin de mieux retenir la couleur ; l’envers est recouvert d’un contre émail pour consolider la pièce.
Après une première cuisson à 860°, on étale sur la pièce refroidie la poudre d’émail et de l’eau : la pigmentation est acquise à froid sauf pour le rouge qui prend sa teinte à la cuisson. Après un deuxième passage au four, on place les "paillons", ces petits filaments d’or travaillés et découpés un à un, symétriquement sur la pièce. Enfin, les "opales", fines perles d’émail blanc disposées dans leurs godets d’or, viennent donner tout leur éclat aux émaux.

Une fois terminés, ces émaux sont sertis par le bijoutier ou le sertisseur afin de devenir pendentifs, colliers, croix, bracelets, boucles d’oreilles, broches…, tous ces bijoux étant porteurs de sens et de valeurs ; ainsi la croix bressane, inspirée de la "Jeannette", protège-t-elle. Les boucles d’oreilles quant à elles étaient portées par les deux sexes : en effet, on leur donnait un pouvoir prophylactique devant améliorer la vue, chasser les humeurs, éviter les maux… Les broches étaient très portées en Bresse, en forme de cœur, d’étoile, à pendeloques… Une de ses variantes était "l’épingleto", une broche longue servant à épingler la bavette du tablier : ce bijou s’est popularisé par la suite puisqu’un modèle représentant une petite pensée en son centre fut créé en série au 19ème siècle et qu’il agrémenta la poitrine de toutes les paysannes, même de condition modeste. Un autre bijou réalisé à partir d’émaux bressans était le "collier d’esclavage". Ce collier était constitué de plusieurs chaînes d’or (d’où son nom) reliées entre elles par des plaques émaillées rondes, ovales ou en croissant, que le promis offrait à sa bien-aimée lors des "approchailles" ou "accordailles". Ce bijou a été très en vogue lors de la seconde moitié du 18ème siècle et d’autres modèles en laiton doré ou en vermeil furent créés. Objet unique et de valeur, les émaux bressans ont été réalisés au 19ème siècle par de grands émailleurs à Bourg-en-Bresse comme Bonnet et Fornet puis Decourcelles et Jacquemin au 20ème siècle : leurs noms est à jamais gravé sur leurs pièces grâce à leurs poinçons, marque obligatoire depuis 1797, date à laquelle l’or et l’argent sont assujettis à l’impôt et leur emploi contrôlé. Et au 21ème siècle, me direz-vous ? Et bien au 21ème siècle, la tradition des émaux bressans se poursuit grâce à la maison Jeanvoine installée à Bourg-en-Bresse depuis 1998 et formée par les derniers émailleurs du siècle dernier. Une nouvelle et jeune génération réalise encore aujourd’hui ces fabuleux émaux bressans dans le respect de la tradition et du savoir-faire, réalisant leurs pièces uniques à la main, comme il y a cent ans, selon les mêmes techniques. A ces techniques ancestrales vient cependant s’ajouter une créativité contemporaine : de nouvelles formes, de nouvelles couleurs (les bleus, rouges et verts sombres sont remplacés par des turquoises, jaunes ou violets) apportent un nouvel esprit à ces bijoux chargés de symboliques et d’âmes offerts à nouveau pour de grandes occasions et que l’on gardera à vie.  

Les "paillons" et les "opales" sont toujours là mais de nouvelles formes et de nouvelles couleurs viennent enrichir le répertoire des émaux bressans, pièce toujours unique.