Dans notre petit tour de bourg, intéressons-nous maintenant aux échoppes liées à l’alimentation en commençant par les boucheries.
Si l’ancienneté de la pratique bouchère n’est plus à démontrer (des règlements et autorisations nous font remonter aux premiers temps du Moyen-Âge), cette noble profession qu’est la boucherie ne tenait pas la place que nous lui connaissons aujourd’hui.
En effet, à la campagne, les occasions d’aller chez le boucher étaient rares puisque, avant d’acheter, on consommait les produits de la ferme et de l’élevage. Les rendez-vous avec le boucher étaient donc rares en général, tout au plus une fois par semaine, à l’occasion du jour de marché où on achetait extraordinairement quelques morceaux « de choix ». Sans compter que ce type de d’achat ne devait sans doute pas améliorer la santé du portefeuille d’un ménage composé de nombreuses bouches à nourrir. D’où l’importance que nous voyons ici de bien réussir, suite à l’abattage annuel du cochon, ses salaisons et autres préparations à faire durer une année.
En ville, cependant, les visites chez le boucher se font plus régulièrement étant donné l’absence de production domestique. Au 21ème siècle, avec toutes les mesures d’hygiène et de prévention pour la santé publique, on a bien du mal à imaginer que pour attirer le client, le boucher fasse étalage de sa marchandise… dehors. Et oui, dehors, dans la rue : le matin, en ouvrant ses portes, le boucher et son commis suspendaient à des crochets tout autour de la vitrine et de la porte d’entrée du magasin les meilleurs morceaux en vente, signe de qualité. Cette démonstration d’une viande et d’un travail de choix a toujours eu cours, et ce encore aujourd’hui par l’exposition des plaques honorifiques remises aux meilleures bêtes à viande ayant reçues des prix lors de concours. A cela s’ajoutait souvent la photo de l’animal en question et du boucher posant l’un à côté de l’autre.
L’affichage d’un tel mérite se retrouve dès le Moyen-Âge à travers les corporations. Au sein d’une même bourgade, chaque profession se regroupait en corporation afin d’avoir plus de poids, d’imposer leur voix, leurs désirs et besoins, le tout sous le patronage d’un saint protecteur. Pour les bouchers, il s’agit de Saint Barthélémy : fêté le 24 août, il est également patron des tanneurs et des relieurs. Une fois l’an, lors de la fête du saint, une procession défilait dans les rues avec la statue du saint auquel on rendait hommage par une messe avant de partager un copieux repas lors d’un banquet en présence de tous les représentants locaux de la profession. Chaque corporation avait également un blason, comme les familles nobles : à Louhans, il était « de sable à une rencontre de bœuf d’or » (c’est-à-dire représentant une tête de bovin en son centre) et à Cuisery « de gueule à un fusil de boucher d’or » (avec un fusil servant à aiguiser les couteaux).