Entrons donc dans une épicerie des années 1940-1950… Le « ting » de la cloche d’entrée nous accueille et annonce notre venue. En ville ou à la campagne, l’ambiance est la même : une profusion de produits s’étale sur tous les murs de la boutique, parfois même jusqu’au plafond…
Boîtes en fer blanc contenant cacao, thé, chicorée ou café voisinent avec les plaques de chocolat, les œufs frais, les sardines en conserve ou les légumes en bocaux. Des plaques publicitaires en tôle émaillée attirent l’attention des clients : le tirailleur sénégalais des boîtes Banania lance son célèbre « Y’a bon » à une « Vache qui rit » ; le bouillon « Kub » intéresse la cuisinière qui a bien du mal à tenir son fil tout émoustillé par une enseigne du chocolat Meunier ou par le présentoir à bonbons posé sur le comptoir… A ces réclames venaient s’ajouter le sempiternel panneau : « La maison ne fait pas crédit »…
Le comptoir est donc là, trônant au milieu de l’unique pièce de la boutique, caverne d’Ali Baba souvent jumelée comme nous l’avons déjà vu à un café ou à l’atelier d’un sabotier. Dessus, est placée la balance de Roberval à deux plateaux suivie de ses petits poids en fonte de toutes les tailles, de quoi mettre « bon poids » comme on disait… Les petits pochons ne papier sont là aussi, attendant d’être remplis par l’épicière de denrées livrées en vrac : riz et farine sont alors facilement achetés par la cliente en livre ou en demi-livre.
C’est que le travail n’est pas de tout repos pour la tenancière du magasin : le libre-service n’était alors pas d’actualité ! La cliente posait sa liste sur le comptoir puis l’épicière parcourait ses rayons pour proposer le produit demandé. Sans parler des lieux où l’on torréfiait aussi le café, où l’on montait la mayonnaise sous les yeux du client et où on coupait à l’aide d’une pince spéciale les gros pains de sucre coniques.
Là où les crèmeries étaient rares, l’épicerie faisait également office de distribution : on venait alors avec son bidon à lait en aluminium pour faire le plein ou alors on venait chercher du beurre. Souvent exposé sous la forme d’une grosse motte, le beurre était découpé à l’aide d’un fil puis grossièrement mis en forme avec une pelle en bois ; certains épiciers utilisaient des moules en bois afin d’éviter la pesée, rappelant ainsi l’usage autrefois domestique des moules à beurre décorés et personnalisés à la ferme…