Autre commerce que l’on voit encore aujourd’hui, et qui fait beaucoup parler malgré lui : le bureau de tabac, repérable à sa « carotte ». De forme rouge et oblongue, cet objet adopté comme enseigne par les buralistes de tous bords représenterait, dit on, le fait qu'un morceau de carotte placé dans un paquet de tabac aide à conserver sa fraîcheur... Beau et rigolo comme explication…mais apparemment totalement faux !
En vérité, c'est que le tabac était à l'origine produit et vendu sous forme de petits rouleaux de quelques centimètres de long, rouleaux que l'on devait râper aux extrémités pour récupérer les feuilles de tabac à mâcher ou à fumer. D'où cette allure de "carotte". Ce mode de consommation du tabac a perduré un temps chez les fumeurs de pipes et les chiqueurs, mais depuis les années trente, la carotte de tabac n'est plus visible que sur les enseignes des buralistes, dans une version stylisée.
Souvent, les bureaux de tabac étaient tenus par les veuves de guerre qui obtenait du gouvernement leur tenue comme élément de pension. Une multitude de petits objets et paquets se côtoyaient : paquets de tabac gris carrés, boîtes d’allumettes, petits blocs de papiers à cigarette, pots et blagues à tabac, briquets à essence et à amadou… Des objets délicats dignes de l’échoppe d’un horloger étaient posés sur le comptoir : petite balance car le tabac était vendu au poids sous sa forme naturelle avant d’être râpé ou réduit en poudre par des appareils spécifiques, cornets en papier gommé dans lesquels étaient vendus le tabac ou encore curieuse machine servant à rouler des cigarettes. En effet, la plupart des fumeurs roulaient eux-mêmes leurs cigarettes, acheter des paquets tous prêts étant un luxe : certains buralistes se procuraient donc une petite machine permettant de fabriquer des « roulées », ou des « cousues » pour une petite clientèle d’habitués.
Enfin, pour augmenter ses revenus, le tenancier du débit de tabac tenait un comptoir de presse proposant des magazines comme L’Illustration, Le Miroir, Le Jardin des Modes… ou des quotidiens comme Le Petit Parisien, L’Aurore…
Les époques changent, les habitudes aussi : nous évoquons un temps, pourtant pas si lointain du nôtre, où le tabac était indissociable de la vie paysanne, où on chiquait à longueur de journée et où il apparaissait comme un véritable remontant à l’image des soldats que l’on ravitaillait en tabac. Le temps passe vite n’est-ce pas ?...