Peu à peu la photographie envahit les campagnes grâce à des photographes ambulants, immortalisant à jamais pour la postérité une famille endimanchée sur la place du village, une communiante près d’un prie-Dieu ou toute une classe devant le préau de l’école. Grâce à un procédé inventé en 1860, un objectif créé par l’architecte Petzval permettant de photographier des personnages, on peut désormais se faire « tirer le portrait ». Mais on est encore loin de l’instantané : il ne fallait pas bouger pendant plusieurs secondes pour que la scène soit fixée sur les plaques du photographe. Le moindre mouvement et le visage d’une personne restera floue à jamais, comme on le voit souvent sur les photos de groupes. Pendant ce temps, le photographe se mettait derrière son appareil, sorte de grosse boîte en bois à soufflets monté sur un trépied, et plaçait sa tête sous un drap noir. Parfois, lorsqu’il n’était pas trop loin, on se rendait directement chez le photographe pour faire prendre en photo bébé ou le petit dernier avec ses frères et sœurs dans un décor de tentures, guéridons et balustrades. L’endroit était divisé en trois univers séparés : le laboratoire où étaient développées les photographies, le magasin où était vendu le matériel, et le studio. Quelques jours plus tard, la photographie apparaissait sur un support rigide au dos duquel était collée la carte de visite du photographe : son adresse, sa spécialité, ses récompenses et bien sûr son nom inscrit d’une belle manière avec pleins, déliés et arabesques apportant un côté luxueux à ce cliché.  Puis, au cours des décennies, en plus d’être le témoin et le créateur de moments uniques où on prenait la pose, le photographe deviendra celui qui révèle les clichés personnels de tout un chacun grâce à la démocratisation des appareils photo. On prendra alors plus de soin à immortaliser les moments exceptionnels, les premières fois - premières « vacances », première voiture…et ce, grâce à George Eastman créateur de la société Kodak à Rochester aux Etats-Unis en 1888 dont le slogan pour vendre des appareils et des pellicules était : « Appuyez sur le bouton, nous ferons les reste… ».    En noir et blanc, de couleur sépia, colorisés, les souvenirs de famille sur papier ont pris toutes les formes avant que la couleur ne s’affiche à son tour. Conservées dans de beaux albums photo, dans des cadres dorés sur la cheminée ou un buffet, ou entassées dans des boîtes métalliques, les photographies ont laissé pour la postérité le souvenir de visages à jamais figé, constituant également un patrimoine et un savoir sur les modes, les pratiques et coutumes d’autrefois. D’ailleurs, dans ces chroniques qui, je l’espère, occupent un peu de votre temps le samedi, ce sont souvent elles qui illustrent nos propos…

Un sourire a jamais figé pour l’éternité…