En face de chez le menuisier, un autre atelier s’anime : celui du garagiste. On le reconnaît aux plaques publicitaires couvrant la façade. Au départ, chez le garagiste, on y va pour des bricoles, pour acheter une bicyclette, pour faire réparer quelques pièces du tracteur puis, avec la généralisation de l’automobile, on s’est spécialisé dans l’entretien des véhicules automobiles. A la campagne, on emmène aussi bien sa voiture que sa tondeuse ou sa débroussailleuse « au garage » comme on dit.
En passant devant l’atelier, une odeur de cambouis se mêle à celle de la poussière, de la peinture et de l’essence car se dresse fièrement sur le bord de la route une pompe à essence. Une de ces encore très rares pompes à essence, peut-être la seule du canton, à une époque où le cours du baril ne tourmentait ni les consommateurs ni leur porte-monnaie… Elle est là, fière, avec son cadran rond où s’affiche la quantité demandée et avec ses deux tubes de verre où le carburant était pompé pour que le conducteur puisse contrôler le volume distribué.
Avant l’apparition des pompes à essence et là où ces mini stations service n’existaient pas encore on s’approvisionnait chez les commerçants détaillant le carburant par bidons de cinq litres. Ils étaient contenus dans des caisses en bois peintes aux couleurs de la marque d’essence : Stelline, Automobiline, Moto Naphta… il existait alors un nombre considérable de marques. Le client coupait le petit fil du plombage qui fermait le bidon garantissant à la fois la quantité et le carburant, et versait le contenu dans son réservoir avant de rendre le bidon au commerçant.
Au garage, on répare tout : le garagiste est polyvalent, à l’image de quelques personnages ayant marqué nos villages bressans, comme ce fut le cas de Monsieur Guillemin, plus connu sous le nom de « Bal’hous » à Sainte-Croix dont le garage portait l’enseigne « Clinique pour automobiles ».
On répare les automobiles sillonnant les campagnes de Bresse mais on répare aussi et on vend des machines agricoles. De la simple charrue au râteau faneur en passant par le tracteur, les marques de société se font elles aussi concurrences : Renault, Puzenat, Mac Cormick pour les plus connues, mais aussi Merlin et Cie, Louis Herliq, Dollé, Charlet ou encore Osborne se partagent le marché.
Parfois, le petit atelier se faisait entrepreneur de battages : se rendant dans les fermes au moment des moissons, l’entrepreneur arrivait dans le hameau avec sa locomobile et sa batteuse, moment convivial mais oh combien éprouvant pour les hommes et pour lequel nous avons déjà consacré plusieurs chroniques. Avec le temps et la mécanisation, les entrepreneurs – parfois des agriculteurs louant eux aussi leurs services auprès de collègues – fauchaient et engrangeaient la récolte à l’aide de faucheuses et autres moissonneuses-batteuses. Vu la dimension de ces engins, le garagiste bricoleur sera bien vite dépassé.