Pays chrétien, la France comptait en 1789 170 000 prêtres et religieux dont 60 000 curés : après la Révolution, en 1809, on n’en compte plus que 31 000 dont à peine plus d’un millier de moins de quarante ans. Cette période a été fatale à la dévotion religieuse : les offices étaient interdits, certaines familles cachaient des prêtres et organisaient en secret des célébrations. La commune de Varennes-Saint-Sauveur garde le souvenir de ces offices clandestins et d’une « cache aux prêtres » situé au Bois Demonde.
On a également mis à terre les croix de calvaires et changé le nom des villages à consonance religieuse : Sainte-Croix est ainsi devenu Solnan pendant la période révolutionnaire, du nom du cours d’eau traversant le bourg. Après cette période, le travail fut dur pour les prêtres pour essayer de ramener la foi dans les chaumières : certaines familles ne pratiquaient plus ayant perdu l’habitude si l’on peut dire d’entendre les sermons, tandis que d’autres s’en étaient remis à d’autres cultes domestiques ou agraires par exemple.
Bien que ne menant pas le train de vie des prélats et dignitaires de l’Eglise, le curé de campagne était à la base de la pratique religieuse des habitants de sa paroisse. Pendant longtemps, il fut l’un des seuls à savoir lire et écrire sur la commune : c’est d’ailleurs lui qui tient les registres paroissiaux si utiles aux généalogistes y trouvant les dates de naissance, baptême, mariage, décès et inhumation. Il devient un personnage de référence pour les villageois mais également auprès des érudits ou de l’évêché.
En effet, il est au courant des pratiques de vie de ses ouailles mais aussi, par définition, de ceux ne fréquentant pas l’église. En réponse à des enquêtes émanant de ses supérieurs ou par simple intérêt, il note, examine et parfois juge les comportements des habitants : ces documents d’archives sont une source considérable pour la connaissance d’une communauté villageoise à un moment donné, tout en prenant en compte la relative subjectivité pouvant transparaître… C’est ainsi qu’au début du siècle, répondant à des enquêtes émises par le diocèse, le curé de Sainte-Croix juge ses paroissiens sur leurs pratiques religieuses : « Sainte-Croix est bien en Bresse. Les gens sont apathiques, routiniers, superficiels, sans résistance ni consistance, aussi rien n’est solidifié dans cette paroisse qui marche encore en raison du mouvement acquis, mais qui se laisse aller insensiblement aux idées du rationalisme moderne. »
Pour rester sur cette commune, on sait cependant que la dévotion à Saint Antoine est grande, mais, toujours d’après ce prêtre, elle serait intéressée en Bresse puisqu’il est le saint protecteur des cochons, animaux importants de la ferme. Pour terminer sur ces paroissiens encore une dernière remarque concernant la fête des rats que nous avons déjà évoquée ensemble il y a quelques mois : le 6 janvier, les Catholiques fêtent la manifestation de Jésus aux Mages, l’Epiphanie. C’est le jour des Rois mais pour les habitants de Sainte-Croix, il s’agit aussi de la fête des rats : « Si on oublie parait-il, de célébrer cette fête, les rats dévorent les harnais toute l’année. Dans le pays, on prononce « ra » au lieu de « roi », de là « les rats mages », « les rats mangent » - ô bêtise humaine ! ». Ce brave curé avait l’air bien désemparé et consterné…