Comme nous l’avons déjà évoqué au sujet du blason de Condal, deux châteaux sont présents sur la commune : l’un au bourg et l’autre à Saint-Sulpice. Si Saint-Sulpice n’est plus qu’un hameau aujourd’hui, il était autrefois une commune et une paroisse. Située à l’est de la commune, en direction de Saint-Amour, cette terre est mentionnée dès le 11ème siècle par des patronymes : Bernoldus de Sancto Sulpicio (1096), Robertus de Sancto Sulpicio (1123) ou encore Hugues de Saint Sulplix (1335) . La tradition orale rapporte que ce sont des moines de Gigny qui s’installèrent en ce lieu qu’ils nommèrent Saint-Sulpice en hommage à un évêque de Bourges du 6ème ou du 7ème siècles. Cette installation n’aurait ainsi aucun lien avec la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, société fondée uniquement au 17ème siècle. Ancienne paroisse réunie à Condal en 1805 ou 1809 suivant les sources, Saint-Sulpice semble donc avoir des origines anciennes. Reprenant Courtépée, Lucien Guillemaut évoque en ce lieu des seigneurs éponymes dont l’un d’entre eux, Pernot de Saint-Sulpis, chevalier, prit part à un voyage en Terre Sainte en 1120 en compagnie de Bérard, évêque de Mâcon. Relevant de la baronnie de Cuiseaux, la seigneurie passa « plus tard » aux de la Baume de Montrevel puis aux Gaillard de Dananche dont l’une des filles épousa en 1887 René Puvis de Chavannes. Le château actuel, bâti au milieu du 19ème siècle, resta dans la famille Puvis de Chavannes jusqu’en 1956, date à laquelle elle vendit la propriété au couple Ponthus. L’époux, pilote d’essais, décéda accidentellement deux ans plus tard, laissant son épouse et ses enfants seuls propriétaires du domaine où ils venaient en résidence secondaire. Au décès de Madame Ponthus et de son compagnon, Claude Durand, le château fut revendu à Monsieur et Madame Borges qui le restaurent depuis quelques mois afin d’accueillir des chambres d’hôtes. Le château de Saint-Sulpice, visible depuis la route reliant Condal à Saint-Amour, est une propriété privée. Si la date de construction de l’actuel château est inconnue (milieu du 19ème siècle), la tradition rapporte qu’il aurait été bâti en lieu et place d’une ancienne bâtisse : château ? tour ? établissement religieux ? église de l’ancienne commune de Saint-Sulpice ? Lucien Guillemaut rapportait ceci en 1912 : « Une tour, sur une motte, indiquait encore autrefois, il y a plus d’un siècle, dans une terre qui a conservé le nom de « la Tour », l’emplacement d’un ancien château. Il y avait, en ce point, autrefois, deux mottes de terre, assez hautes. L’une d’elles n’existait déjà plus au commencement du 19ème siècle ; elle avait été, vers cette époque, nivelée. Quant à sa jumelle, l’autre, celle de la Tour, elle avait encore 2 mètres de hauteur, 60 mètres de diamètre et 206 mètres de circonférence, lorsque D. Monnier, archiviste, auteur de nombreuses recherches archéologiques, en dressa le plan en 1822 ; à côté des ruines de la tour, on voyait encore au bas de la motte les vestiges de l’ancien château. Comme la terre dépendait du moulin de Saint-Sulpis, le meunier qui en jouissait fit, il y a une cinquantaine d’années, des fouilles pour trouver des briques dont il avait vu des spécimens bien conservés. On m’a raconté qu’en faisant ces fouilles, on mit à jour un escalier qui devait vraisemblablement conduire à des caves ou oubliettes, mais personne ne s’occupa de cette découverte, et depuis on n’en a plus entendu parler. M. Gaillard de Dananches avait fait construire, il y a près d’un demi-siècle, à la place de l’ancien presbytère, le château actuel de Saint-Sulpice, avec des dépendances au lieu où était l’ancienne église. » Lors du rachat de la propriété par la famille Ponthus en 1956, Saint-Sulpice comprenait le château et dépendances, trois fermes, un moulin et des terres. Une pièce d’eau alimentée par une source était également située à proximité du château, utilisée à des fins d’agrément. Certaines familles de Condal furent employées par les Puvis de Chavannes et les Ponthus en tant qu’exploitants mais aussi que cuisinières ou domestiques : les personnes rencontrées en gardent tous de bons souvenirs et évoquent l’ambiance familiale régnant en ces lieux. Une belle ferme à « peuton » est visible en face du château, de l’autre côté de la route : elle aurait fait partie des trois métairies mentionnées plus haut. Typique de l’architecture de la Bresse savoyarde, le « peuton » est le nom donné à la partie du toit surmontant l’arrivée de l’escalier extérieur menant au grenier. Les anciennes dépendances du château étaient constituées d’écuries qui furent réhabilitées en logement pour d’anciens gardiens de la propriété alors qu’un petit bâtiment faisant autrefois office d’orangerie est toujours en élévation. Certains des arbres entourant la propriété font partie des arbres cités par Alain Desbrosse comme étant remarquables : des charmes têtards et des cyprès chauves . Dans la cour, trône enfin une chapelle. Fortement modifiée, étendue, surélevée, ses fondations remontent néanmoins au 13ème siècle. Cet édifice aurait été l’ancienne église de la paroisse de Saint-Sulpice, aliénée par la commune et la fabrique de Condal en 1810 afin d’effectuer des réparations dans leur église. Certains habitants évoquent le souvenir de dalles et sépultures mises au jour autour de cet édifice et dans le bois à proximité. Malgré les diverses transformations qu’elle a subies au cours des siècles, le volume et l’implantation de cette chapelle laissent effectivement supposer que l’édifice fut plus qu’une simple chapelle annexe. Si des pans de bois ont été rajoutés, l’essentiel du bâti est en pierre et tuf. Des recoins et pièces imbriquées les unes dans les autres évoquent le temps où la chapelle servit de débarras et d’écuries. Restaurée par la famille Ponthus, cette chapelle qui reçut quelques offices durant la seconde moitié du 20ème siècle, possède encore son mobilier liturgique et présente un vitrail moderne. En 2003, la chapelle fut à nouveau consacrée et servit à diverses célébrations familiales. Ainsi, lorsque l’on pénètre dans la chapelle, l’autel et le tabernacle côtoient les anciennes auges installées alors que la chapelle faisait office d’étable… Le clocher avait lui aussi trouvé un autre usage puisqu’il accueillait une citerne destinée à stocker l’eau captée depuis une source en contrebas de la propriété, amenée par une pompe mue par l’une des roues du moulin également reliée à la batteuse des lieux. Le moulin fonctionna jusque dans les années 1950 et présentaient deux paires de meule servant à la mouture de farine panifiable. Sous le clocher, des bases de voûtes en ogive en pierre présentent six beaux blasons sculptés portant une simple bande barrant l’écu, dont la monochromie rend l’identification malaisée. Seraient-ce les armes des sires de Chalon, Princes d’Orange, seigneurs de Cuiseaux au début du 14ème siècle, portant de gueules à une bande d’or ?...
Saint-Sulpice aujourd’hui, du côté de la façade principale.