Villars-Chapel, Villars-Chappel, Villard-Chapelle… Voici un hameau dont l’orthographe varie en fonction des époques…et ce, même aujourd’hui. Dans son étude sur la toponymie de l’arrondissement du Louhannais, Roger Présumey cite diverses dénominations, dont certaines patoisantes, tirant la conclusion que « chapelle » n’évoquerait pas un édifice mais un patronyme : Villarchapel (1302), La Ville de Chapel (1324), Villiers Chapel (1473), Villers Chappel (1502), Villars Chapé (1650), Villers Chpey (1668), Villars Chapey (1682), Villars Chpet (1722), Villers Chapel (1734), Villard Chapelle (1824) . Villard quant à lui serait un dérivé du latin « villa » signifiant « ferme », « écart ». Lucien Guillemaut quant à lui, pense qu’une chapelle serait bel et bien à l’origine de ce toponyme : « A un autre endroit de la commune, était le fief de Villars-Chapelle, au hameau de ce nom. Ce fief était, en 1780, (…) à Mme de Montessus. Antérieurement, le seigneur habitait ledit village ; il n’y avait pas de château, mais une maison qui sert aujourd’hui de ferme. Il y avait aussi, - de là le nom, - une petite chapelle dont le bâtiment existe toujours, mais a été transformé, il y a longtemps déjà, en fournil et four. » Armée de cette information, nous voici à la recherche de cette éventuelle chapelle… et c’est ainsi que nous voilà dans une agréable et imposante ferme dont le propriétaire actuel dit avoir toujours entendu dire par ses aïeux qu’une chapelle serait sous les fondations de son four à pain… En effet, si cette dernière ne donna pas son nom au lieu-dit, un édifice antérieur exista bien en ce domaine comme le laissent supposer anciennes voûtes, ouvertures et escaliers condamnés, pièces de bois forts anciennes, etc. Ce n’est pas sans émotion, que nous passions un moment en cet endroit, relisant les quelques lignes écrites par Guillemaut et citées précédemment… Le hameau de Villars-Chapel possède une physionomie toute particulière. Lorsque l’on arrive à Condal par la route de Dommartin, le lieu se présente comme un petit village bâti sur un promontoire. De grosses fermes anciennes jouxtent des constructions plus récentes n’enlevant en rien le charme des lieux. Cette partie de Condal appartenait autrefois à la famille de Montessus puis aux Demoiselles de Dananche comme l’évoquent encore aujourd’hui les habitants. Ces dernières possédaient quatre domaines en ce lieu-dit. Deux fermes subsistent encore, repérables à leurs dimensions imposantes et à la qualité de l’architecture, notamment des charpentes ; tandis qu’une autre ne livrent plus que ses fondations. Le quatrième domaine consistait en la tuilerie évoquée précédemment. Mais d’autres fermes valent bien évidemment le coup d’œil, notamment une habitation en pisé dont le mur extérieur garde la signature d’un certain « Revelut », du nom de l’un des ouvriers ayant participé à la reconstruction du bâtiment après son incendie comme le laisse supposer l’architecture actuelle. Cette ferme, en plus de posséder un magnifique point de vue sur le Jura, a la particularité d’avoir un puits assez récent comme le rapporte la propriétaire actuelle. C’est son grand-père qui le fit creuser car la ferme n’en possédant pas, son épouse devait aller chercher de l’eau chez les voisins, où elle passait un peu trop de temps au goût de l’aïeul… De là la construction du puits. A Condal, toutes les habitations relèvent de l’architecture bugiste. Une seule est de type Bresse du Nord : c’est à Villard-Chapelle. La tradition orale rapporte qu’elle aurait été construite par un condalois amoureux d’une fille originaire de Bresse louhannaise, venant « de l’autre côté de Louhans » comme on me l’a rapporté. Cette dernière aurait accepté de l’épouser et de s’installer dans son pays s’il lui construisait une maison « comme chez elle ». Cette histoire aurait eu lieu dans les années 1790-92. C’est dans cette ferme qu’une école aurait existé dans le hameau. En cours de réaménagement, l’édifice nous livre un peu de ses secrets par des actes notariés que possèdent les propriétaires actuels. En 1898, Maurice Gonnod, cultivateur, vendit « un petit domaine situé à Villard Chapelle » d’une superficie de trois hectares comprenant un bâtiment d’habitation et d’exploitation, écurie, grange, cour ainsi que des terres et prés en des lieux aux noms aujourd’hui parfois oubliés : Curtil Besnot, Rétis, Pré du Village, Grand Pré, Les Petites Varennes et Les Brenets. Le tout pour une valeur de 6 500 F Trois ans plus tard, le domaine s’est agrandi d’une remise, d’un jardin, d’un verger et « d’aisances ». Diverses parcelles font également leur apparition : La Tranchée, Les Varennes, Le Champ Bachelard, La Capette, Les Josières, Bois de la Puge. 8 370 F sont alors adjugés contre 13 000 F vingt ans plus tard Aujourd’hui, cette ferme de type Bresse du Nord a perdu une partie de ses avant-toits, jugés trop peu pratiques quant à la quantité de lumière apportée dans les pièces. D’autres petites curiosités existent à Villars-Chapel, notamment l’existence d’une prairie appelée « Pré de Village », rencontrée précédemment. Cette dernière fonctionnait selon le même système que la prairie de Condal mais était à disposition uniquement des habitants de Villars-Chapel qui pouvait y emmener paître leur bétail et en faire la fauche à partir du 17 juin. D’ailleurs, l’acte de vente de 1901 de la ferme bressane évoquée la semaine dernière stipule le Pré du village comme « indivis c’est-à-dire se fauchant à tour de rôle avec celui du propriétaire voisin » ; de même dans l’acte de 1921. La prairie de Condal, si elle ne se divise plus aujourd’hui entre une trentaine d’exploitants mais entre trois ou quatre, existe toujours et mène à Villars-Chapel par un chemin créé lors du remembrement. En l’empruntant, à quelques dizaines de mètres, se dresse une sorte de bosquet circulaire. Cet endroit est connu (ou non) sous le nom de « Trou de la Bombe ». En 1943, un bombardier anglais en difficulté aurait largué une bombe en ce lieu, ainsi qu’une autre dans le Bois de Binant. On les fit exploser en 1946 : certains se souviennent de ce jour où on demanda aux habitants de se calfeutrer chez soi. La bombe est donc toujours dans « son trou » faisant à l’origine environ dix mètres de profondeur et autant de diamètre. Aujourd’hui, la végétation a pris le dessus, d’où la création de ce petit bosquet au milieu des champs. Un petit lavoir existait au hameau (et est toujours visible) : il était appelé « Mare des Plattes » ou « Save des Plattes », la « save » étant le nom donné à une petite pièce d’eau en langue franco-provençale. Enfin, une « maison de lune » aurait été construite à Villars-Chapel, existant toujours de nos jours mais bien évidemment réaménagée. Bâtie sur un tout petit bout de terrain, la tradition orale rapporte que le propriétaire plaçait sa seule vache chez des voisins durant l’hiver, n’ayant pas la place de la garder chez lui.
Quelque part à Villars-Chapel : les vestiges évoqués par Guillemaut.