« Comme tous les enfants d’agriculteurs, j’ai gardé les vaches "aux prés". Moi j’ai eu la chance d’aller "en champs" dans une prairie de vaine pâture : nous nous retrouvions une demi-douzaine de bergers, garçons et filles, sans compter les enfants dont les parents étaient en ville et qui venaient passer leurs vacances chez les grands-parents. Comme ils ne savaient quoi faire, ils venaient à la prairie trouver les "vétchi". Ils apportaient des revues que nous n’achetions pas à la campagne : "Les Pieds Nickelés", "Lisette" et bien d’autres. Nous étions contents de les regarder !...
Pour jouer, plus on était, plus c’était drôle !...Dans le moment du Tour de France, nous faisions le tour de la prairie par étape ; nous prenions les noms des champions d’alors : Magne, Pelissier, Leduc… Celui qui gagnait avait droit à un petit bisou de la reine, en général une gamine de la ville !...
De temps en temps, en se cotisant, nous achetions une ou deux bouteilles de limonade que nous allions chercher au café tout proche. La patronne nous prêtait un verre que nous lui rapportions toujours. Pendant qu’elle nous servait, les copains qui ne venaient pas au café lui "piquaient" quelques patates pour faire cuire à la braise : nous en prenions une sous chaque pied pour que ça ne se voie pas. Puis venait le temps des "reux" que nous allions chercher, jamais au même endroit, jamais dans le même champ : nous faisions le feu toujours à la même place au cas où l’on serait pris… C’était la première fois… Nous avions bien pris quelques "engueulades" mais jamais bien graves !...
Une année nous avons été "gâtés"… Un couple d’amoureux en vacances avait trouvé un coin tranquille pour passer un petit moment caché des regards indiscrets… Nous les avions repérés ! Nous montions sur un vieux saule… Nous ne voyions pas grand-chose… Parfois nous apercevions "la bête à deux dos" alors, vite, nous descendions de notre perchoir pour aller le raconter aux copains. Les filles commençaient par nous disputer et au bout d’un moment elles riaient autant que nous !...
Parmi nous, il y avait un surdoué de la farce : je ne peux m’empêcher de vous en raconter deux super !... Il y avait, longeant la prairie, un pré où un "vieux" cultivateur amenait ses deux vaches : il venait à vélo et la laissait contre le pont, au parapet en fer. Un jour, le copain a attaché le vélo avec du fil de fer en plusieurs endroits dudit parapet si bien que le brave homme a mis beaucoup de temps pour le détacher. Cela a valu une ou deux paires de claques à la première rencontre !...
La deuxième : un "vieux" cultivateur avait l’habitude de venir lire son "Indépendant" en gardant son troupeau. Il se mettait toujours au même endroit, sous le même saule. Le copain est monté sur le saule, juste au dessus du "pépé"…Quand celui-ci a été en pleine lecture, il l’a pris au lasso… Mais comme il s’était attaché la ficelle au bras, il fut tiré en bas et il a reçu une tournée de coups de bâton : il en avait le dos noir…
Maurice, tu m’excuseras ! Mais je pense si souvent à cela…
Nous étions polissons, c’est vrai ! Mais cela ne nous empêchait pas d’être polis !... »