Avec le mois de septembre, arrive le brouillard couvrant le bocage bressan et les longues soirées d’automne et d’hiver se font sentir : toit comme les veillées…
Déjà, à ce moment de l’année, les veillées commençaient. Dans la pratique populaire on dit en effet qu’elles débutaient à la Notre-Dame de septembre (8 septembre, ce qui parait un peu tôt par rapport à la réalité) pour finir à la Notre-Dame de mars (25 mars).
Lorsqu’en septembre le colchique d’automne se montre en fleur dans les prés, l’apparition des veilleuses ou veillotes (c’est le nom vulgaire donné à cette plante) annonce aussi à sa manière le commencement des veillées qui coïncide avec cette floraison. Quand venaient les longues soirées d’hiver, l’habitude était depuis des siècles de se réunir par groupe dans une ferme, à la chambre du feu, autour d’une lampe à bec fumeuse, entre parents et voisins.
Tandis que les femmes raccommodent ou tricotent leurs bas ou encore filent l’œuvre au rouet ou à la quenouille, les hommes se livrent à quelques autres travail, réparent les objets ménagers, les outils agricoles, rattachent les courroies des fléaux, teillent le chanvre, égrènent le maïs ou les haricots, décortiquent les grains de courge ou jouent aux cartes, surtout à la tapette, la partie, la quadrette, le cinq cents ou la bête.
Le dernier jour de la semaine, quand la veillée était plus nombreuse entre voisins et amis, les femmes ayant apporté de chez elles du beurre, du fromage, de la farine, des œufs, faisaient sur le large foyer de la cheminée ou sur le poêle des crêpes ou « matefans », des gaufres, des beignets… La soirée se terminait alors par des danses au son de la vielle, instrument autrefois indispensable des fêtes bressanes.  
Les jeunes gens, durant la soirée, ne manquait pas de chercher « à faire les galants » et à plaire aux jeunes filles… Il était admis que si l’une d’entre elles, en filant, laissait tomber son fuseau et qu’un garçon put le ramasser avant elle, il avait le droit de l’embrasser…
Les veillées, si elles étaient l’occasion de se réunir pour passer ensemble de longues soirées, ont joué un rôle dans l’élaboration de la culture et du patrimoine immatériel de la Bresse.
Pendant toutes ces veillées, les langues allaient bon train. Les vieux racontaient, en amplifiant, ce qu’ils avaient vu dans leur jeunesse. Les femmes répétaient tous les caquets du village ; les aventures joyeuses, les frayeurs éprouvées, les contes, les histoires de revenants, de sorciers, de sorts jetés, de loups garous, tenaient éveillés l’auditoire. Pour se reposer l’esprit, on se posait des « devignottes », on chantait des chantons patoises.
Puis, les jeunes gens, en se retirant, poussaient des huchements, cris de joie prolongés pour se rallier, s’avertir de leur approche, faire connaître leur sortie de la veillée. Notons, à propos de ces huchements qu’ils étaient largement employés lors de la tournée de conscrits alors que de nos jours nous avons des difficultés à définir ce cri, symbole de virilité, disparu depuis longtemps. Autrefois, quelques jeunes gars en usaient dit on fort bruyamment et pas seulement par réjouissance : on l’utilisait souvent pour se moquer d’un étranger, d’un individu dangereux ou grotesque que l’on voulait interloquer. Ceci se faisait notamment sur la limite de la Comté et de la Bresse sachant fort bien que les Comtois détestaient le huchement traditionnel des Bressans !
Ces veillées, en plus de réunir les Bressans bien souvent isolés dans les écarts des villages, ont sans doute constitué un élément fondateur de la culture bressane. C’était au cours des veillées que l’on se racontait les vielles histoires de la famille, du hameau, du village, de la région… Le temps et les exagérations de chacun sont sans doute à l’origine des apparitions de nos vouivre, orjus, dame blanche, cheval sans tête… sans compter sur le brouillard et les brumes apportés par l’humidité de l’automne et de l’hiver sur les points d’eau, lieux fortement redoutés car associés à la mort… 
Ces histoires ont pendant longtemps étaient des croyances pour les Bressans : qui n’y a pas  songé en traversant la campagne bressane embrumée par l’automne… ?