Traditions bressanes

Les feux de la Saint-Jean revêtent un caractère aussi bien religieux que païen.
La date du 24 juin amenait la fête et les Feux de la Saint-Jean. Ces feux étaient allumés la veille de la fête dans les lieux les plus propices aux réunions et amusements et autour desquels se faisaient des rondes interminables, comme celle du dimanche des Brandons. C’était aussi l’occasion de guérisons miraculeuses : dans certains villages, des vieilles femmes faisaient quatorze fois le tour du feu de la Saint-Jean, le chapelet à la main, en récitant sept pater et sept ave pour ne pas avoir mal aux reins en moissonnant.
Pour expliquer le nom de feux de la Saint-Jean on a donné la légende suivante : « Saint Jean possédait une ferme et de nombreux domestiques : il avait une patience si grande que ces derniers ne pouvaient arriver à le mettre en colère. Ils imaginèrent un jour, en juin, de faire un feu immense devant sa porte. Saint Jean sortit en se frottant les mains et leur dit : - Vous faites bien, mes enfants, le feu est bon en tout temps. » Mais ce n’est là encore qu’une légende inventée par les christianisme : il parait certain en effet que les feux de la Saint-Jean soient la survivance d’une pratique païenne, la fête du Dieu Soleil, qui se célébrait en Gaule au solstice d’été, le 24 juin.
Enfin, l’historien de Bourgogne Courtépée racontait que, de date immémoriale, on célébrait à Savigny-en-Revermont, la veille de la Saint-Jean, la fête des Cornards. Elle avait lieu la nuit, à la lueur des lanternes, dans un pré appelé Préau où les hommes se réunissaient au son du cornet des vachers. Le dernier marié de la paroisse était obligé de porter la bannière consistant en une tête de bœuf avec ses cornes, piquée au boit d’une perche. Cette fête donnait lieu à des danses indécentes, une joie disait-on « grossière » et des scènes « scandaleuses » mêlées de huchements et de hurlements effroyables. On y voyait des Bressans, des Comtois, des Bourguignons qui arrivaient en groupes nombreux et munis de lanternes. Mais cette fête des Cornards aux mœurs joyeuses est tombée en désuétude depuis le XVIIIème siècle.
De nombreuses réjouissances célèbrent encore aujourd’hui en Bresse cette fête ancestrale où l’on prend plaisir à se retrouver autour des feux de la Saint-Jean.

Nous voici au milieu de l’année, au mois de juin, où les fêtes sont toujours aussi présentes avec, tout d’abord la Pentecôte. La Pentecôte était appelée autrefois Pâques des roses. L’église, ce jour-la, était jonchée de roses et ces fleurs faisaient souvent le thème du sermon du prédicateur. Cette fête fut longtemps l’occasion de petits spectacles que nos aïeux aimaient à joindre à la célébration religieuse. Pendant que la messe se célébrait, on faisait tomber de la voûte de l’église des étoupes enflammées pour figurer les langues de feu, sous la forme desquelles l’Esprit Saint était descendu sur les apôtres ; on lâchait des pigeons ou des tourterelles pour continuer l’allégorie. Puis avaient lieu des divertissements profanes où toute la population des villes et des villages prenait part. De nombreux usages seraient à signaler comme le Couronnement de la Rosière mais à Louhans, comme dans beaucoup d’autres villes ou bourgs, les Chevaliers de l’Arquebuse étaient à l’honneur. La Compagnie des Chevaliers de l’Arquebuse, fondée au XVIème siècle à Louhans, recrutait parmi les plus notables habitants : le tir à la cible était leur exercice ordinaire. Portant un brillant uniforme, à large galon de laine d’argent, avec chapeau de feutre à plumet ils s’exerçaient à leur tir puis festoyaient pour la Pentecôte: on y fêtait le Roi de l’Oiseau, celui proclamé à un titre solennel quelques semaines avant, le premier dimanche du mois de mai. Le chevalier qui abattait l’oiseau, sorte d’oiseau en bois et en fer, placé au haut d’une perche, était proclamé Roi pour une année. Les divertissements continuaient encore le lundi (le lundi de Pentecôte était férié autrefois) et le mardi avec danses champêtres et réjouissances diverses. C’est encore à l’époque des fêtes de la Pentecôte, comme à la veille de Pâques, que les paroissiens s’approvisionnaient à l’église de l’eau bénite par le curé. Il fut longtemps en usage, lors des fêtes de la Pentecôte, d’asperger d’eau bénite les maisons et le terrain qui les entourait pour les prévenir de l’invasion des serpents.

Reportée généralement au dimanche qui suit la date fixée dans le calendrier, cette fête donnait lieu à la procession du Saint-Sacrement.
Dans les rues des villes, où portes et murs étaient tapissés de draps blancs et ornés de fleurs et de feuillage, la procession s’avançait en longues files d’hommes, de femmes, de fillettes habillées de blanc couronnées de roses et de bleuets, et d’autres enfants. Puis, précédant les prêtres en habits sacerdotaux, venaient les enfants de chœur revêtus d’aubes blanches manoeuvrant les encensoirs. Les enfants portaient de petits paniers suspendus à leur cou et remplis de pétales de roses effeuillées, destinées à être projetées et répandues devant le dais et à joncher le sol.
Des couronnes de ces fleurs et des bouquets en forme de croix apportés à l’église et aux reposoirs, et auxquels on faisait toucher l’ostensoir, étaient dans beaucoup de familles bressanes soigneusement conservés : on suspendait la couronne au bénitier de famille, près du lit. Autrefois, les bouquets en forme de croix, faits aussi de feuillage et de fleurs, étaient placés sur les toits de chaume pour appeler les bénédictions du ciel sur la maison.
A chaque reposoir placé sur le parcours, la procession s’arrêtait et, des marches de l’autel, le prêtre donnait la bénédiction aux fidèles agenouillés. Dès que le cortège s’était éloigné, on raconte que des mères de famille venaient en hâte vers le reposoir pour y rouler consciencieusement sur l’autel, à l’endroit qu’avait occupé le Saint-Sacrement, leur enfant pour qui elle redoutait la faiblesse des reins (le rachitisme) ou « la patte d’oie », maladie de dénutrition lente assez fréquente dans la première enfance. Cette pratique très en usage était considérée comme un moyen de préservation générale pour toutes les maladies.
A Sainte-Croix, la Fête-Dieu était l’occasion d’une procession dont certains habitants se souviennent encore allant du presbytère à la cour du château de Varax. Tous les habitants venaient en procession voir la statue de la Sainte Vierge sous un dais porté par quatre villageois : au reposoir, dans la cour du château, le chœur de chant de la paroisse offrait des cantiques.

L’Ascension était l’occasion dans le louhannais de déguster l’une des spécialités bressanes : les corniottes. Le jour de l’Ascension, fête des plus anciennes, qui a lieu le jeudi quarante jours après Pâques, était consacré après la cérémonie, à Louhans du moins et souvent aussi dans les campagnes, à une petite fête gastronomique. N’était-ce pas une tradition conservée depuis longtemps que de célébrer chaque fête de l’année par un plat légendaire et choisi. De même qu’il y avait les crêpes de la Chandeleur et du Mardi gras, le jambon et le pâté de Pâques, l’oie de la Saint-Martin, le boudin de Noël, les petits cochons de lait de la Saint-Antoine, les brioches et les flans de la fête patronale du village, il y avait les corniottes de l’Ascension. Corniottes au fromage ou à la bouillie, aux bords relevés formant trois cornes, d’où le nom  de la spécialité, il s’en mangeait ce jour-là par milliers dans les goûters champêtres : le bois d’Agruffes (appelé aujourd’hui des Greffes), à la porte de Louhans, était un lieu de rendez-vous des plus fréquentés pour les petites agapes dont elles étaient la base. Le Tiène, les 12 et 13 mai 1980 évoquait justement cette fête dans l’Indépendant : « Des bancs d’amuseaux, des tables et des bancs étaient installés tout au long de l’allée qui (…). On piqueniquait sous les grands arbres. Il y avait des " chantoux ", car c’était la vogue des cafés-concerts. On larmoyait avec " Les roses blanches ", on valsait sur le gazon avec " Froufrou ", on maudissait les Prussiens en écoutant " L’uziau qui vient de France… ". Il y avait des jeux de maillet, des pétards, des fusées. On se bourrait de corniottes en buvant la limonade Biotet ; Pernodet avait installé son jeu de rabat et Chevaux sa gobiotte ; les grands " jeuriots " repiquaient à 30 sous et commandaient la soupe à l’oignon, le saucisson d’âne, l’omelette au lard et le fromage fort grillé au feu " d’éronges ". Le bon monde redescendait la côte ; les éméchés chantaient " Viens poupoule "…et dans tous les taillis, tout autour de la fête des corniottes, les centaines de rossignoux s’égosillaient en merveilleuses roulades…un vieux temps disparu…le temps des corniottes! » Aujourd’hui, on trouve des corniottes toute l’année en Bresse : ces petits cercles de pâte brisée très minces et coiffées de pâte à choux sucrée sont toujours très appréciées par les bressans.