Traditions bressanes

La Semaine Sainte, annonçant les fêtes de Pâques et la fin du Carême était l’occasion de pratiques religieuses répandues en Bresse.
Le Jeudi Saint, il était d’usage de bénir les enfants après la célébration d’un office spécial où ils étaient conduits en grande pompe et en belle toilette. Beaucoup de femmes portaient un panier d’œufs pour les bénir et en faire les œufs de Pâques ; naturellement, elles en laissaient quelque uns au curé : cela  était  censé protéger les poules pendant l’année. Le même jour, les femmes, les jeunes filles, les enfants allaient à tous les autels visiter les reposoirs ou paradis. En effet, on avait l’habitude de dresser un reposoir à l’église et un autre à l’extérieur : les fidèles prenaient part à une procession et les visitaient.
Après l’office du matin du Jeudi Saint, les cloches ne tintant plus, on disait aux enfants qu’elles étaient parties pour Rome pour y recevoir la bénédiction du Pape, et c’était pour cela que jusqu’au samedi, on ne les entendait plus. A leur retour, elles apportaient des œufs aux enfants : dans certaines maisons, les œufs trouvés par les enfants étaient cuits à l’eau avec des peaux d’oignons pour les colorer.
Les enfants, à la ville comme à la campagne, à l’issue de l’Office des Ténèbres qui se célébrait les trois derniers jours de la Semaine Sainte, sortaient de l’église en agitant divers moulinets de bois, qui produisaient beaucoup de bruit, et couraient dans les rues. Dans quelques paroisses de Bresse, les plus grands enfants portaient à l église, le Vendredi Saint, un grand bâton bien tourné, bariolé et fendu à l’une de ses extrémités en quantité de petits morceaux : c’était porter les ténèbres. Une fois ces bâtons bénis et après la cérémonie, les petits garçons brisaient ces rotins au sol, et c’était à qui frapperait le plus fort. Les femmes en ramassaient les morceaux qu’elles emportaient précieusement, car lorsque l’orage grondait, elles y trouvaient l’avantage, en en jetant un dans le foyer, de garantir de la foudre. Le jour du Vendredi Saint, dans l’église, le clergé et les fidèles s’arrêtaient pour prier devant chaque tableau du chemin de croix.
 

Dans toutes les provinces de France, il y avait des endroits réputés par leur sainteté et les miracles qui s’y étaient accomplis. Notre Bresse comportait nombre de ces lieux où s’y déroulaient des pèlerinages.
La Bresse, comme dans d’autres lieux, accordait un pouvoir de guérison et de protection à certains saints. Ceux-ci avaient le pouvoir d’intervenir sur des maux en rapport avec le martyre qu’ils ont subi, les maladies dont ils ont souffert, les miracles qu’ils ont accomplis ou tout simplement par analogie avec leur nom. On pensait que le nom propre rassemblait, dans sa consonance, les qualités de la personne qu’il désigne. Ces dévotions populaires furent dénoncées par l’Eglise et par la médecine, comme superstitions.
La possession des restes d’un saint était évidemment ambitionnée par les églises ; le culte de ces reliques était à certaines époques de l’année, surtout le jour de la fête du saint, l’occasion de voyages, de processions des habitants de la contrée voisine et même de pèlerins très éloignés. En Bresse, on allait à Branges, à la chapelle de Saint Langui, et à Mouthiers, à la chapelle Saint Vit, pour obtenir la guérison des enfants. A Cuiseaux, et dans bien d’autres lieux, on allait toucher l’image de Saint Antoine et faire une offrande, surtout pour préserver des maladies les bestiaux et principalement les porcs.
Plusieurs saints avaient dans le pays une réputation bien établie comme saints guérisseurs mais on allait dans certaines églises, non plus seulement pour se guérir de maladies, mais aussi pour obtenir des enfants. Des idées superstitieuses se manifestaient fort souvent dans ces actes de dévotion. On rapporte ainsi que, dans toute la Bresse, les femmes allaient porter à Saint Guinefort leurs enfants malades : c’était le tombeau d’un lévrier tué injustement par son maître. 
On faisait même, au besoin, accomplir ces voyages par des personnes qui s’en était fait une profession et qui se chargeaient, moyennant quelque aumône, de faire le ‘’viage’’, dire les neuvaines et observer le vœu. Mais ces pèlerins de profession devaient, pour qu’il y eut efficacité, employer certaines précautions : partir de bon matin et sans se laver les mains, sans parler à personne, sans boire ni manger et sans prier Dieu avant d’être arrivés à la chapelle en renom.

Chacun connaît les plaisanteries en usage en ce jour de 1er avril, mais d’où vient cette tradition des « poissons d’avril » ?
Ce jour fut et est toujours celui réservé à faire des farces ou des plaisanteries aux amis et connaissances, à tous ceux susceptibles de se laisser prendre facilement à ces pièges innocents. Pour les uns c’est une nouvelle communiquée avec grand intérêt mais toujours inexacte, aux autres c’est une démarche inutile qu’on fait faire. Ainsi, on les envoie chercher quelque objet impossible ou sans réalité, par exemple, de l’huile de fagots ou encore des pieds de ver. Aux plus naïfs, on envoie chercher un bâton  n’ayant qu’un bout, une once d’esprit en bouteille, un brochet sans arêtes, une seringue en fil de fer, une corde pour lier le vent… De même qu’au régiment, on enverra un conscrit nouvellement arrivé chercher le parapluie de l’escouade ou la clef du champ de manœuvre. Lorsque celui qu’on a envoyé ainsi courir plus ou moins loin pour faire ces commissions burlesques, revient quelque peu confus ou riant lui-même de la plaisanterie qu’on lui a faite, il est accueilli gaiement par les cris : « Mois d’avril, mois d’avril, poisson d’avril… », heureux s’il ne rapporte pas, sans qu’il s’en doute, quelque objet ridicule qu’un mauvais plaisantin aura suspendu à son vêtement : une queue de veau ou de lapin, un papier ou chiffon grotesque, pour provoquer l’hilarité à ses dépens.
D’où peut venir l’origine de la pratique de farces et de la locution « poisson d’avril » qui s’y rattache ? De nombreuses explications furent données mais la plus probable est la suivante : c’est en 1564 que l’année cessa de commencer en avril, en vertu d’une ordonnance du roi Charles IX, par laquelle était reporté au 1er janvier la premier jour de l’année, qui jusqu’alors avait commencé au 1er avril. Par suite de ce changement les anciennes félicitations du premier jour de l’an n’avaient plus leur raison d’être le 1er avril, et on ne fit plus alors que des félicitations plaisantes et équivoques. On fit mieux : on s’amusa à se mystifier par des cadeaux simulés ou par des faux messages ; et finalement, comme au mois d’avril, le soleil quitte le signe zodiacal des Poissons on donna à ces plaisanteries le nom de poissons d’avril.
Un autre usage s’est établi, c’est l’emploi de cartes postales représentant un poisson ou un cochon ou d’autres illustrations comiques, aimables ou méchantes selon les circonstances. L’expression de souhaits pittoresques s’y trouve aussi manifestée, et pour que la plaisanterie puisse être plus accentuée et plus gouailleuse, l’anonymat est souvent gardé.
Quoi qu’il en soit, il est de la nature humaine d’aimer à rire et aussi de médire et se moquer de son prochain…mais en ce 1er avril, faites attention aux poissons accrochés à votre insu dans votre dos !

Le premier dimanche de Carême, les paysans parcouraient les campagnes avec des brandons allumés, comme le faisaient les païens pour purifier les champs et en écarter les mauvais génies. Le christianisme ne pouvant déraciner ces superstitions, les consacra en bénissant les feux et les torches et le dimanche où ces courses avaient lieu s’appelle encore aujourd’hui le dimanche des Brandons.  
Le premier dimanche du Carême était le dimanche des Brandons. Le soir, on allumait près des villages des grands feux d’épines et même des fagots ; on dansait des rondes autour des feux ; on enlevait et agitait en l’air les tisons enflammés ou brandons en chantant et poussant des cris de joie. Quand le feu avait cessé de donner de grandes flammes, les jeunes gens, pour montrer leur agilité, sautaient par dessus les tisons. Les jeunes filles elles-mêmes s’évertuaient à traverser le foyer pour être sûres de se marier dans l’année. C’était, comme les feux de la Saint-Jean, un reste des Bacchanales nocturnes antiques et des vieilles fêtes druidiques pendant lesquelles on allumait des feux sacrés, et parcourait les campagnes tenant à la main des torches, des tisons enflammés, pour écarter les mauvais génies et garantir les arbres des insectes nuisibles. On les agitait dans les champs et sous les arbres fruitiers pour avoir une récolte abondante de grains, de chanvre, de fruits. Dans certaines localités, comme à La Chapelle-Naude, on appelle encore ces feux les Reugnes et l’on chante en dansant autour : Reugnes, Reugnes, autant de pommes que de feuilles.
Le Carême était rigoureusement observé. L’usage du beurre avait même été autrefois interdit par l’Eglise, aussi bien que celui des œufs ; mais depuis longtemps déjà, les provinces qui manquaient d’huile avaient obtenu du pape la permission de manger du beurre en carême sous condition de prières et d’aumônes. Ainsi, il y avait autrefois dans les églises « des troncs pour le beurre ». Jusqu’en 1775, les bouchers n’avaient pas le droit d’ouvrir leurs boutiques tant que durait le carême ; on tolérait toutefois jadis une boucherie de carême, avec droit exclusif de vendre de la viande aux malades.
On trouvait bien long le temps consacré à l’abstinence, au jeûne, à la prière ; aussi, on faisait, en beaucoup de maisons, sur le manteau de la cheminée, autant de traits qu’il y avait de jours de carême et chaque soir, comme les écoliers escomptant de loin la venue des vacances, on barrait ces traits.
A la Mi-Carême, trois semaines après le dimanche des Brandons, pour couper ce long temps de pénitence, on éprouvait le besoin, surtout à la ville, de se livrer à quelques réjouissances, en signe de joie puisqu’il ne restait plus qu’une moitié de carême à s’écouler.