Traditions bressanes
La Vouivre
Animal mythique, figure légendaire à l’esprit malfaisant, la Vouivre a laissé sa marque en Bresse.
La culture bressane, ses croyances, superstitions et légendes populaires se sont forgées et perpétuées au fil des temps, notamment. La Vouivre (du latin vipera signifiant vipère) faisait bien souvent partie des discussions lors des veillées : inutiles de rapporter quelques légendes la concernant tant la liste serait exhaustive car chaque village, voire chaque hameau avait Sa Vouivre.
La Vouivre a donné lieu à des légendes en Bresse mais aussi dans les localités voisines de la Comté où elle gardait des trésors enfouis sous les ruines des anciens châteaux. La Vouivre, d’après les croyances, est une sorte de serpent ailé portant sur la tête une escarboucle d’un grand prix, ou bien encore une fée qui, à la place d’un œil, avait au milieu du front un diamant lumineux. Comme le monstre déposait toujours l’escarboucle ou le diamant lorsqu’il allait boire aux fontaines ou à la rivière, il y avait espoir de s’en emparer si on se trouvait là au bon moment : c’était alors synonyme de richesse éternelle. Mais gare à celui qui se faisait prendre : bien peu en ont réchappé…
La Vouivre légendaire de l’Europe médiévale est l’un des plus féroces dragons issus de l’imagination humaine : exhalant un souffle fétide, crachant le feu par ses naseaux, elle peut détruire tout un village avec sa queue ou broyer ses victimes dans les anneaux de sa peau écaillée ! Notre Vouivre bressane semble plus sympathique, quoi que…
De même que pour les pratiques populaires, l’origine des vieilles légendes, croyances et pratiques superstitieuses se perd dans la nuit des temps. L’esprit des gens de campagnes fut longtemps hanté d’histoire de dames blanches, de cavaliers ou chevaux sans tête, de coqs de l’autre monde, de sorciers jetant de mauvais sort. Tout ce patrimoine immatériel remonte en partie au Moyen-Âge où le cerveau populaire était alors travaillé par des aberrations et des hallucinations de toutes sortes bien souvent renforcés par le discours de l’Eglise. Les vieilles traditions gauloises se mêlant encore confusément aux usages apportés par les Romains et les invasions de tant de peuples divers. Les apparitions de Fées et de Lutins et les malicieuses aventures des Démons rencontraient la même croyance que les miracles et les légendes des saints. Pendant de longs siècles, l’imagination de nos aïeux fit revivre sous le nom de Fées, de Dames, d’Esprits, les Nymphes des forêts ou les antiques Druidesses.
Les larmes de Saint Laurent et la fête de Châteaurenaud
Le mois d’août amène chaque année le retour d’un intéressant phénomène : les étoiles filantes. La nuit du 10 au 11 août, périodiquement, on disait voir les larmes que saint Laurent, le jour de sa fête, versait abondamment sous l’apparence d’étoiles filantes. Si l’explication scientifique en a depuis longtemps été démontrée, les légendes populaires en ont fait les larmes d’un saint ou des âmes émigrant d’une planète à une autre. Se mouvant rapidement, à peine a-t-on le temps de formuler un souhait avant la fin de l’apparition ; en le formant rapidement, on a la chance de le voir s’exaucer. Saint Laurent avait également sa fête issue d’un vieux droit seigneurial existant encore à Châteaurenaud au XVIIIème siècle et que ses seigneurs s’efforçaient de maintenir ou de faire revivre. Le jour de la foire de saint Laurent très anciennement établie, des prêtres familiers de l’Eglise de Louhans étaient tenus de venir en grande pompe et au son des flûtes et du tambour, présenter au seigneur de Châteaurenaud sur la place publique (sous les ormes devant le château), à l’issue des vêpres et après différentes promenades sur la foire, deux gâteaux de fine fleur de froment. L’origine ancienne de ce droit et de cette cérémonie était le don par le seigneur de quatre soitures de pré à la chapelle des prêtres familiers de Louhans, en échange de l’hommage de ce gâteau. Cette fête fut l’occasion par la suite, pour Châteaurenaud et Louhans d’un jour de liesse. Saint Laurent était également évoqué ce jour-là, comme saint Antoine son concurrent, pour préserver des maladies des bestiaux et principalement les porcs. Si dans certains sanctuaires comme à Cuiseaux on allait toucher l’image de saint Antoine et faire une offrande, on venait aussi à Châteaurenaud s’adresser à saint Laurent pour les porcs et aussi les poules malades. Ce jour était autrefois la fête des pompiers : ils allaient en corps à la messe faire bénir de grosses brioches placées sur une civière reposant sur les épaules de deux sapeurs pompiers, et sur laquelle se dressait une statuette de saint Laurent, gril à la main et avec de belles grappes de raisins noirs. Un joyeux banquet avait lieu après la messe.
La mi-août
Comme en juillet, le mois d’août est pauvre en traditions populaires à l’exception du 15 août.
Le 15 août, c’est l’Assomption, la Mi-Août ou Notre-Dame de la Mi-Août. Cette fête, l’une des plus anciennes du catholicisme a pris en France, un caractère plus solennel et en quelque sorte national depuis que le roi louis XIII avait choisi ce jour pour mettre sa personne et son royaume sous la protection de la Vierge et pour demander un dauphin au ciel par son intercession : c’était ce qu’on appelait le vœu de Louis XIII. Plus tard, Napoléon Ier désigna le jour de l’Assomption pour celui de sa propre fête et, sous Napoléon III, ce fut également le jour de l’Empereur qu’un acte officiel faisait célébrer dans tout le pays comme fête nationale. Les autorités allaient en cortège à la messe et l’après-midi il y avait mat de cocagne, course en sacs et le soir illuminations et feux d’artifices.
A ce moment de l’année, l’herbe est fauchée, la moisson à peu près faite, on peut se lever plus tard, d’où le dicton « A la mi-août, le faucheur dort son saoul ». Ceux qui font des conserves d’œufs connaissent un dicton qui affirme que « les œufs recueillis entre les deux Notre-Dame (15 août et 8 septembre) se conservent beaucoup mieux que les autres ». Le lendemain de l’Assomption, le 16 août, est le jour de saint Roch, saint précieux pour se protéger des maladies contagieuses, notamment de la peste.
Enfin, en cette période de récolte, rappelons l’usage de certaines quêtes se faisant dans plusieurs paroisses, suite à d’anciennes coutumes. Les curés avaient de longue date l’habitude de lire à la messe, de Pâques à la Toussaint, l’évangile dit de la Passion en forme de prières pour obtenir de bonnes et abondantes récoltes. En rémunération de cette prière, il était fait chaque année au moins de la récolte une quête en grains (ou en vin dans les pays vignobles) appelée quête de la passion ou quête des gerbes. A la quête du curé se joignait aussi celle du sacristain. Dans quelques paroisses bressanes, en octobre et novembre, il y avait la quête des gaudes et la quête des sonneurs, après la commémoration des morts.
Le temps des battages
« Faire l’août », c’est d’après le dictionnaire faire la moisson : le battage tenait alors une place importante dans la vie des fermes
Avant la mécanisation, tous les bras valides étaient nécessaires au battage à l’antique fléau, instrument frappant les gerbes étalées sur le sol de la grange ou sur une aire préparée dans la cour. Celle-ci était faite d’une terre argileuse que l’on battait avec une pelle en fer pour l’endurcir ; à diverses reprises, on la recouvrait d’une bouillie claire de bouses de vache, qui, une fois desséchée, empêchait l’aire de devenir poudreuse pendant le battage.
Hommes et femmes étaient munis d’un fléau (flau ou écoussou en patois), formé d’un manche en bois auquel est fixé, par une corde ou une lanière de cuir, la batte ou battoir, morceau de bois arrondi plus court. C’est avec cet instrument qu’ils frappaient en cadence les gerbes étalées sur l’aire jusqu’à la sortie des grains des épis. L’habileté de l’ouvrier consistait à faire tournoyer la batte en l’air à chaque coup de fléau, et à abaisser en allongeant le bras de manière à la faire tomber à peu près horizontalement sur les épis. On battait en deux rangées, deux fois de suite : entre les deux battages, femmes et enfants retournaient la céréale avec des fourches ne bois. Ensuite, la paille était enlevée et mise en meule. On râtelait légèrement la surface de l’aire pour enlever les balles et la menue paille et on recouvrait l’aire d’une nouvelle série de tiges de blé. Le soir, le grain était rassemblé en tas et mis dans un coin de la grange.
Ce travail manuel fut remplacé par la suite par le battage à la machine, non moins physique. L’entrepreneur de battage se déplaçait de ferme et ferme, de village en village avec sa machine à vapeur. Tous se réunissaient pour se travail pénible, s’exécutant dans la chaleur, dans la poussière… mais aussi dans la bonne humeur. C’était l’occasion de se rassembler, surtout pour les jeunes gens, les jeunes filles apportant à boire aux jeunes hommes : combien d’amours, grandes ou petites, sont nées durant ces battages… Un bon repas clôturait la journée, récompense des travailleurs. Même si la soirée se terminait tard et en chansons, tous étaient au rendez-vous pour « faire la machine » le lendemain dès l’aube : un moment de convivialité que l’on ne manquait sous aucun prétexte.