Traditions bressanes

Les habitants du hameau d’Arbuans ainsi que ceux de Vaux furent durant plusieurs siècles au cœur d’une bataille politico-géographique concernant l’emplacement de la frontière séparant le duché de Bourgogne et de la Comté. En voici un résumé :  « Il serait difficile d’expliquer les motifs de la singulière enclave de la seigneurie de Cuiseaux, qui faisait partie du duché de Bourgogne, dans la Franche-Comté. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle entretint bien des haines et provoqua bien des luttes. En 1580, les parlements de Dijon et de Dôle furent obligés d’envoyer des commissaires sur les lieux, pour reconnaître les véritables frontières et faire une enquête au sujet des combats que se livraient chaque jour les habitants de Champagna (sic), Vaux et Arbuans, d’une part, et ceux des Granges-de-Nom et Montagna. Les bornes étaient arrachées, le bétail enlevé dans les bois et les parcours, les bergers maltraités. Un jugement rendu le 4 juillet 1738, par le grand-maître des eaux-et-forêts de la province de Bourgogne, condamna les habitants de Champagna (sic), Vaux et Arbuans, à payer à ceux de Montagna la somme de 2 000 livres, à titre de dommages-intérêts, « pour les coups, arrachement de bornes et autres entreprises dont ils s’étaient rendu coupables ». Ces discussions n’étaient point encore terminées en 1820. (…) » . En effet, une frontière avait été établie sur les hauteurs de Champagnat afin de marquer la séparation entre le duché de Bourgogne et la Comté. Les bornes dont il est question dans l’extrait cité auraient été placées à la Combe-Brenot dans un lieu-dit communément appelé « Les Quatre Bornes » (nous retrouvons ici un toponyme déjà rencontré lorsque nous évoquions le patrimoine de Cuiseaux). Ces bornes étaient en fait des buttes de terre, des mottes, mesurant soixante-dix pas de circonférence d’après Courtépée  : certains pensent qu’elles ont été élevées sciemment pour marquer physiquement la frontière, d’autres qu’il s’agissait d’anciens tumuli... Non loin, le même Courtépée mentionne l’existence d’une place triangulaire dite « du Foyard Ferré » car, « autrefois » on attachait sur un hêtre (le foyard étant l’un des noms populaires du hêtre), à l’aide de clous, les copies d’ajournement relatifs à ladite frontière. Cette coutume fut abolie par l’ordonnance de 1667. Un autre élément naturel servait au repérage de la frontière : le Puits Hottentot. Ce gouffre situé dans les bois communaux figurait dans le procès-verbal dressé à la fin du 16ème siècle par Antoine de la Grange, conseiller commissaire, comme limite entre Bourgogne et Comté. Encore aujourd’hui, le Mont Février, point culminant de l’arrondissement (612 mètres d’altitude) est la limite orientale de la commune de Champagnat et marque la séparation administrative entre Saône-et-Loire et Jura.

La tradition populaire rapporte que sur les hauteurs du Mont Février, les amoncellements de pierres encore visibles de nos jours seraient des vestiges de l’ancienne frontière entre Comté et Bourgogne.

Si vous partez, comme je l’espère, à la découverte du patrimoine de Champagnat, votre regard sera peut-être attiré, aux abords de la Place de la mairie, par quelques petits panneaux portant l’inscription « Cœurs de village ». En effet, durant deux années consécutives, 2002 et 2003, le bourg de Champagnat a bénéficié du concours du Conseil Régional de Bourgogne et de son opération « Cœurs de village » pour être réaménager et pour rénover certains édifices. Le pigeonnier du presbytère, à l’arrière de la salle des fêtes, a ainsi pu prendre un « petit coup de jeune » tout comme le bâtiment situé à droite de la mairie, de l’autre côté de la D411, qui accueille désormais des logements. Face à cette bâtisse, le four communal a également pu être rénové et peut ainsi être utilisé plusieurs fois par an au moment de la fête patronale et par l’association gérant le restaurant scolaire qui y fait cuire puis vend des tartes. Ce four est également mis à la disposition des particuliers, sur simple demande adressée à la commune. Pour la petite histoire, les habitants appellent ce four « le four banal ». A l’époque médiévale, la banalité était un droit qu’exerçaient les seigneurs sur leurs vassaux. Les seigneurs étaient dans l’obligation de construire et d’entretenir des installations communes payantes (fours, moulins, pressoirs) que les vassaux étaient obligés de fréquenter, et donc de rémunérer, pour faire cuire le pain domestique, moudre la farine et presser le vin. Simple déviation du langage ou héritage séculaire que ce nom de « four banal » de Champagnat où aujourd’hui toute la population aime à se réunir ?...  

Le four communal (« Cœurs de village » 2003).

Quittons le bourg pour nous rendre au hameau d’Arbuans à environ 2 km au sud-ouest. Arbuans semble d’origine ancienne puisqu’en 1302 est déjà mentionné « Arbuinte ». En 1482, il est dit « Arbuant », toponyme qui évoluera au fil des siècles écrit avec un « s » final ou un « t » ; comprenant un « e » ou un « a » ; se décomposant même en « Petit » et « Grand Arbuans » au 19ème siècle.  L’origine supposée de ce toponyme serait le patronyme « Aribold » auquel on aurait ajouté le suffixe germanique d’appartenance « -ing ». En 1789, Arbuans était « alternatif  » des paroisses de Joudes et de Champagnat : c’est à cette dernière qu’il fut définitivement rattaché l’année suivante. Le hameau d’Arbuans se résume à une dizaine de bâtisses, modernes ou séculaires puisque l’une d’entre elles, ancienne propriété bourgeoise, est à dater des 15ème et 16ème siècles. Cette construction massive possède également un grand portail de type comtois et le bâtiment lui faisant face un colombier de plan carré. A Arbuans, s’élève une croix routière en pierre érigée en 1813 par Bernard d’Arbuans, comme l’indique une inscription gravée sur le fût de cette dernière. En contrebas, une fontaine à bassin rectangulaire construite en 1860 est placée sous la protection de la Sainte Vierge depuis le 15 août 1862, date à laquelle monsieur Puvis de Chavannes, maire de la commune, offrit une statue en fonte surmontant encore aujourd’hui le bassin. Cette fontaine, comme celles présentes dans la quasi-totalité des hameaux de la commune reçoit les eaux de sources provenant de la montagne, eaux également utilisées autrefois pour l’alimentation des lavoirs et l’irrigation des prés.

La fontaine protégée par une statue de la Sainte Vierge depuis 1862.

A quelques centaines de mètres de l’église se situe le bourg et la « Place de la Mairie » où nous allons nous arrêter. Nous voici face à la mairie, imposante maison en pierre (comme la majorité des édifices construits sur la commune) s’élevant sur trois niveaux et dont la façade principale présente de nombreuses ouvertures régulières, dont la plupart ont été condamnées, et une grosse cloche d’école.   Jouxtant la mairie, c’est en effet l’école maternelle qui est implantée. Elle accueille les enfants de Champagnat mais également de Joudes : les deux communes étant en RPI, l’école primaire se trouve dans le village voisin de Joudes. Toujours dans la continuité, a été aménagée la salle des fêtes. Cette dernière, en pierres apparentes y compris à l’intérieur, se trouve être l’ancien presbytère de la paroisse. A l’origine, le tout premier presbytère était à l’arrière de l’église avant d’être délaissé lorsque Champagnat fut rattaché à Cuiseaux. Lors du retour à l’autonomie spirituelle de l’église de l’Assomption de la Sainte-Vierge en 1826, la commune se mit à la recherche d’un terrain pour y construire un presbytère. C’est ainsi que le premier prêtre de la commune fut installé dans un petit logement sans confort bâti dans les années 1829-1833. Peu à peu, avec le temps, le concours des habitants et la générosité des uns et des autres, le presbytère devint une véritable petite maison bourgeoise de type néo-classique possédant jardin, pigeonnier et vue sur la vallée de Prouillat. Inconvénient majeur : la distance séparant le presbytère de l’église. L’éloignement de l’édifice religieux fut souvent mis en avant par les prêtres et les habitants de la commune qui craignaient ainsi vols et dégradations. Craintes malheureusement fondées puisque de pareils larcins furent réalisés et ce jusqu’à une époque récente puisqu’en 1973 treize des stations du chemin de croix datant de 1862 furent, entre autres, dérobées.

La mairie de Champagnat.