Traditions bressanes

Souvent évoquées au fil de ces chroniques relatives à Champagnat, la toponymie et la microtoponymie font partie intégrante du patrimoine local. La toponymie est une partie de la linguistique qui étudie les noms de lieux (les toponymes) ;  la microtoponymie est le nom généralement usité pour évoquer l’étude des lieux-dits. Quel intérêt porter de nos jours à ces toponymes ? Leur étude permet tout d’abord de pouvoir dater la période de leur constitution. Bien qu’ayant évolué au fil des siècles, certains suffixes ou radicaux sont révélateurs d’une origine gallo-romaine, germanique ou bien d’une formation médiévale. Ensuite, les toponymes évoquent des caractéristiques (plus ou moins atténuées au cours des décennies, voire perdues) naturelles, géologiques, géographiques mais aussi architecturelles, historiques, humaines d’un lieu. Ainsi, généralement, la « maladière» rappelle la présence d’une léproserie, la « varenne » un bras mort de rivière, les « chenevières » les parcelles où l’on cultivait du chanvre, la « tuilerie » l’emplacement d’une pareille activité, etc. La végétation, les occupations humaines, les traditions mais aussi les propriétaires ont pu laisser leur empreinte de manière plus ou moins pérenne et déformée. Il n’est ainsi pas rare d’associer un patronyme à un terrain : le Champ Cochard, la Rippe à Genetet, le Curtil Morey. Parfois, l’utilisation de petit/grand, long /court ou haut/bas permettait de différencier deux parcelles ou deux zones proches comme la Petite Frette et la Grande Frette. Très riches et diversifiés, les toponymes se résument désormais à peau de chagrin. Le remembrement et les redécoupages de parcelles de ces dernières décennies ont amorcé ce déclin aujourd’hui précipité par la nécessaire normalisation des voies de circulation de nos communes en « Route de machin-chose », « Impasse truc », « Chemin tartampion ». Avant que tout ne disparaisse, attardez-vous sur de vieux plans, sur les panneaux d’entrée de hameaux ou sur les indications parfois présentes au pied des poteaux électriques : vous verrez, les lieux ont beaucoup à vous dire... Concernant la toponymie de Champagnat, comme partout, activités humaines et caractéristiques naturelles cohabitent. Certains lieux-dits émaneraient directement de patronymes comme Les Goys, Poignard (mentionné La Grange Poignard en 1783) ou Groubons. Notons au passage la formation fréquente de patronymes auxquels aurait été ajouté un adjectif afin de différencier deux individus comme dans Petitjean et Grandjean, noms de familles courants en Bresse. Quelques lieux-dits auraient aussi été formés à partir d’un gentilis latin comme Quincenat (de « Quintius ») ou Reuille (de « Rullius ») ou encore Zier rencontré dans le Moulin Zier (de « Gaïus »). La géographie et la nature ont également donné naissance à la Combe-Buzon, la combe désignant une vallée encaissée et sèche ; à la Côte de Louvarel, en lien avec le dénivelé du sol ; à Valernat, dérivé du mot vallée ; au Taillis, en référence au bois que l’on coupait à intervalles rapprochés. Les établissements et activités humaines transparaissent à La Ville (nom donné aux domaines ruraux jusqu’au 9ème siècle puis à un village à l’époque moderne), à La Cadole, au Colombier, à La Marre (autrefois mentionnée La Mare), à la Tuilerie et à travers les différents moulins, qu’ils soient Moulin Rouge, Moulin de l’Orme ou tout simplement Les Moulins. Par contre, l’absence de forme ancienne de toponyme ne remontant pas plus loin qu’aux 18ème ou 19ème siècles laisse parfois dans l’ombre certaines origines, à l’image du Brouchy, de la Liambe ou de la Norme.

Petit retour sur l’église où la plupart des habitants de Champagnat des siècles derniers, qu’ils soient de la Ville, de Vaux ou de la Norme, se réunissaient pour les offices.

A l’arrière de l’église se trouve une petite tour poivrière percée d’étroites baies. Elle abrite un bel escalier à vis en pierre de taille menant au clocher. Du haut, à travers les baies géminées c’est un magnifique point de vue qui nous est offert sur la côte et la plaine. La statue de la Vierge couronnant l’édifice se trouve tout près et la toiture en lauze accessible… Le beffroi abrite deux belles cloches en fonte supportant toutes deux inscriptions et figures de la Vierge. En 1905, le père Sermesse mentionnait la présence de deux cloches : « la petite baptisée en 1776 pèse 250kg…la grosse baptisée en 1878 pèse 550 kg » . La seconde a été remplacée en 1945 par une neuve offerte à la paroisse par madame de Truchis. Ni l’une ni l’autre ne sont électrifiées. A la base de la structure en bois les supportant repose un lourd maillet en bois usé par le temps… Faut-il y voir l’oubli d’un artisan tête en l’air ou bien les traces d’une pratique relevée dans le sud de la Bresse consistant à « casser » l’orage ? En effet, lorsque ce dernier menaçait, on faisait sonner les cloches afin que leus vibrations fassent cesser foudre et tonnerre. Les cloches étaient alors sonnées depuis le bas de l‘église ou bien en tapant directement dessus à l’aide d’un objet lourd.  Place aux images pour vous faire profiter de cette visite un peu particulière…  

Depuis l’une des baies du clocher.

Champagnat et ses environs sont un régal pour les amateurs de randonnées. En parcourant les différents chemins balisés vous passerez de zones boisées à de belles prairies verdoyantes, découvrirez silencieux cours d'eau ou pentes abruptes autrefois cultivées en terrasses. Le sol de la commune (d'une superficie de plus de 13km2 rappelons-le) est plutôt sablonneux en plaine et calcaire et granitique dans la partie montagneuse située sur le versant du premier plateau du Jura. L'édition de 1859 de l'Annuaire Historique de Saône-et-Loire donne quelques renseignements tant sociaux qu'économiques sur la commune : 849 habitants, 119 maisons, 203 ménages ; 1255 hectares dont 532 en terres labourables, 175 en prés, 53 en vignes, 293 en bois et 75 en terres incultes. Sont référencés des "carrières de pierre à bâtir et à chaux, quatre moulins, une tuilerie. Vins de Prouillat, d'assez bonne qualité. Très bons prés. Excellents fruits. Marrons renommés (...)" . A noter que ces marrons faisant encore aujourd'hui la réputation de la foire de la Saint-Simon de Cuiseaux sont issus de greffons apportés au 16ème siècle du Dauphiné par Philibert de la Baume, bailli de Bresse et baron de Saint-Amour. Mais depuis le 23 février dernier un arrêté préfectoral fait état aux communes de Champagnat, Cuiseaux, Condal, Joudes, Dommartin et Varennes que des mesures de lutte contre la propagation du Cynips du châtaignier ont été prises. Originaire de Chine, cet insecte destructeur a en effet été localisé sur la commune proche de Coligny (01). Jusqu'au 20ème siècle, Champagnat cultive une vocation principalement agricole où la polyculture est présente : pâtures, vignes, maraîchage, marrons, blés, maïs, pomme de terre, navette, chanvre, pommes, noix ; élevage de chevaux, bœufs, ânes, porcs, volailles et ruches . Malgré l'importance de l'activité agricole, aucune foire et aucun marché ne semble avoir existé à Champagnat où les habitants avaient pour habitude de se rendre directement à Cuiseaux. Côté commerces, les corps de métiers sont relativement restreints. En 1904, pour 682 habitants, on dénombre un aubergiste (Perdrix), deux exploitants de carrières (Gauthier et B. Huichard), deux charrons (Bergerand et Michel) , un forgeron faisant également mercier-épicier (P. Clère), un garde champêtre (Guidard), une famille de maçons (Pillegand), trois meuniers (Beauvivre, Dubois et Tamisier), un marchand de moutons (Convert), deux sabotiers (Berrodier, Gollion), un marchand de tabac et pipes (Clère) et un fabricant de tuiles (J. Pirat). Dix ans plus tard, pour 659 habitants, nous retrouvons les mêmes à l'exception d'un meunier, du marchand de moutons, des exploitants de carrières et du tuilier qui ont disparu. Un nouveau forgeron s'est installé en plus de Clère (Dufresne) qui tient toujours son "commerce multiservices" et dont le souvenir perdure à travers l'Impasse de l'Epicerie sise au bourg du village. Encore aujourd'hui, l'agriculture est présente sur la commune (élevage, activités équestres) mais les commerces ont tous fermés leur porte. A Champagnat, 20% de la surface du territoire est recouverte par des bois communaux (272 hectares). Cette vaste étendue que l'on traverse notamment en reliant Dommartin à Cuiseaux est gérée par l'ONF (l'Office National des Forêts). Un agent assermenté s'occupe de son entretien, comme celle de six autres communes de la Communauté de Communes, Condal et Varennes ne possédant que des bois privés. La forêt communale de Champagnat présente la traditionnelle combinaison de la forêt bourguignonne (chêne et charme) mais aussi des essences de résineux. Sur les hauteurs de la commune nait la Prouillat, petit cours d'eau ayant donné son nom à un écart déjà mentionné en 1265 "Pruilliacum", "Pruille" en 1301 puis "Prouillat" en 1865. Le ruisseau de Prouillat alimentait au 19ème siècle quatre des nombreux moulins existant sur la commune. En flânant dans le hameau de Prouillat, on peut voir subsister un lavoir quadrangulaire à claire-voie coiffée d'une élégante toiture pyramidale. Un peu plus loin, dans le vallon fertile qu'arrose le ruisseau de Prouillat, au lieu-dit La Condamine, s'élève un lavoir bâti en 1901 comme le rappelle une pierre sculptée portant cette date. Tout près existe une parcelle portant autrefois le nom de "La chapelle", sans doute en souvenir d'un édifice religieux implanté en ce lieu très pastoral bien que situé à seulement 400 mètres au sud de l'église. Le lavoir de la Condamine, mêlant la brique et la pierre, abrite un bassin rectangulaire allongé prévu pour vingt places. Un autre lavoir est visible lorsque l'on vient du bourg ne direction du hameau de Prouillat.

L'intérieur du lavoir de la  Condamine.

En 1905, le prêtre de Champagnat, Pierre Sermesse, rédigea quelques notes sur sa paroisse. En parcourant ce document, différents éléments du patrimoine religieux de la commune mais aussi de son histoire sont révélés. Trois chapelles sont ainsi mentionnées comme ayant été érigées autrefois sur la commune. Une première était dédiée à Saint Sylvestre, patron secondaire de la paroisse, à Goz. Une seconde se trouvait à Mary (ou Marie), sous le vocable de la Sainte Vierge ; par tradition, on rapporte d’ailleurs que ce toponyme (mentionné comme tel dès 1403) serait lié de la présence de cette chapelle… Dans ce hameau existe toujours une impressionnante et majestueuse allée de tilleuls séculaires que l’on disait conduire à la chapelle. Enfin, une troisième chapelle dédiée à Notre-Dame de la Croix aurait été érigée dans la partie basse du cimetière. Toutes trois ont disparu, abandonnées ou détruites. Lucien Guillemaut  rapporte lui-aussi quelques évènements concernant la vie religieuse à Champagnat, notamment à l’époque révolutionnaire :  « Il est certain que dans le Louhannais, un certain nombre de prêtres, presque tous anciens assermentés, avaient continué à dire la messe et à donner, en cachette, les sacrements. Dans quelques communes, certains épisodes, souvent exagérés par la tradition et la légende, se rattachent à leur présence et à leur action. On cite quelques endroits écartés, quelques maisons isolées, où ils se rendaient plus particulièrement où qui leur servaient de refuge. Dans le canton de Cuiseaux, à Champagnat, une grotte d’un accès très difficile, située derrière le village de Vaux, en aurait abrité quelques-uns, et on montre au hameau du Suchet, un noyer, au pied duquel on disait la messe pendant la nuit. » Ces deux lieux semblent avoir aujourd’hui disparu de la mémoire collective. Différents procès  font effectivement état de la pratique du culte catholique sur le canton pendant la Révolution où des croix étaient systématiquement abattues puis « raccommodées » (sic) et replacées. Le 25 avril 1796 l’arbre de la liberté de Champagnat fut ainsi abattu à la hache par la population sous les ordres des prêtres réfractaires et une croix fut placée à côté. Le calme revint l’année suivante lorsque les ornements et objets de culte vendus en 1794 reprirent leur place, tout comme la croix du clocher. 

A l’arrière de l’église de Champagnat…