Traditions bressanes

Deuxième château : celui de la Croix d'Arrignat. Perché sur les hauteurs du village et surplombant le bourg, cet édifice a été bâti de 1894 à 1896 par César Puvis de Chavannes. Construction de plan composite et essentiellement constitué de deux corps de logis reliés par une galerie basse, ce château situé sur la route reliant Cuiseaux à Véria est entouré et clos d'un parc naturel, la propriété s’étendant sur 12 hectares. Propriété privée appartenant aux descendants de son constructeur, cette belle et coquette demeure plongée dans la verdure offre un visage calme et paisible. On se sent de suite à l’aise devant ce château aux dimensions humaines. Si le lierre fait des façades son aire de jeux, les grandes baies vitrées de la salle à manger et les décors de faïence donnent à Arrignat un charmant côté Belle-Epoque. Petite anecdote concernant la décoration intérieure de la maison. Le propriétaire, amateur d’art, de vie et de traditions indiennes a intégré dans la demeure familiale de nombreux éléments de cette culture : mobilier, statuaire, photographies, etc. Dans la salle à manger trône un grand tableau représentant une femme hindoue dont une suivante peigne la longue chevelure… Clin d’œil à « La Toilette », œuvre majeure du parent Pierre Puvis de Chavannes, dont le tableau moderne et exotique présent de la Croix d’Arrignat reprend l’exacte composition.

Le château dans son écrin de verdure.

Les châteaux et belles demeures ne sont pas rares sur le canton : Condal, Joudes et Frontenaud en possèdent deux chacun, Varennes-Saint-Sauveur et Champagnat trois, Flacey et Le Miroir étant les seuls villages à échapper à cette particularité. Les trois châteaux de Champagnat sont ceux de Reuille, de la Croix d'Arrignat et du Brouchy, tous bâtis par des membres de la famille Puvis de Chavannes. Ouvrons ensemble quelques portes afin de terminer notre "petit" tour de Champagnat. Les Puvis de Chavannes sont issus d'une famille de la petite bourgeoisie ayant accompli une ascension sociale continue sans jamais rompre les liens avec la terre et les territoires dont ils sont issus. Ce sont d'abord des Puvy puis Puvis qui se constituent peu à peu un patrimoine foncier non négligeable. Parmi leurs terres, le fief de Chavannes sur la commune de Dommartin-les-Cuiseaux, possession qu'ils ajoutent à leur nom en 1771. Devenus seigneurs, ils sont font alors appelés "Puvis de Chavannes", permission que l'Edit de Blois de 1579 a entériné (bien que l'anoblissement par fief ne soit plus autorisé, subsiste néanmoins la nomenclature du fief dans les patronymes). C'est ainsi que naît ce que l'on a appelé la "fausse bourgeoisie". Les Puvis de Chavannes créent leurs propres armoiries : d'azur au chevron d'argent avec deux étoiles d'or dans les coins supérieurs de l'écu et un croissant d'argent surmonté d'une étoile d'or sous le chevron. Très impliqués dans la vie locale, ils savent gérer leurs terres et donnent des conseils avisés sur l'agriculture, à l'image de Marc-Antoine (1776-1851), agronome et savant. Leur implication s'étendra tout naturellement à la vie politique : le nom de Puvis de Chavannes fut ainsi porté par des maires, conseillers généraux et députés, ce qui permit à la famille de prétendre à une certaine reconnaissance régionale et nationale. Au début du 20ème siècle, les Puvis de Chavannes possèdent encore sept châteaux dans le canton de Cuiseaux, mais aucun en Bresse louhannaise, prouvant ainsi leur attachement aux terres où ont vécu leurs ancêtres. 

Le château du Brouchy il y a quelques décennies, l’un des trois châteaux de Champagnat. (Carte postale : collection particulière)

Premier château sur lequel nous allons nous attarder : le château de Reuille. A Reuille, en contrebas et à l'ouest de l'église, s'élève sur la commune de Champagnat l'ancien château de la famille, bâtisse quadrangulaire à laquelle est adossé un bâtiment de dépendances. Exemple parfait d'une résidence de campagne "mi-manoir, mi-ferme"  , elle fut suppléée par une belle demeure bourgeoise construite en 1891 quelques dizaines de mètres plus haut sur la commune de Cuiseaux. Composé d'un corps central flanqué d'ailes arrêtées par un pavillon en équerre, ce château haut d'un étage se remarque par ses encadrements de briques redentés autour des portes et fenêtres et par ses toits à la Mansard. En 1973, la commune de Cuiseaux décide d'acquérir Reuille (puisque le château moderne se situe sur Cuiseaux et non plus sur Champagnat) et d'y aménager une résidence, afin de soutenir et de poursuivre la démarche initiée par l'association locale "Association familiale d'entraide aux handicapés physiques et sensoriels". Le château de Reuille abrite désormais et depuis 1986 un foyer de vie pour adultes handicapés, connue sous le nom de "La Source.  Reuille, comme la majorité des autres possessions des Puvis de Chavannes, possédait un parc et a été bâti sur une éminence. 

Le château de Reuille tel que nous le connaissons, abritant « La Source ».

Parmi les "nouveaux toponymes" mis en place récemment par la dénomination des voies de circulation, à deux pas du lavoir de la Condamine, nous voici sur le "Chemin de la Fromagerie". Longé par la Prouillat descendant directement de la montagne, une parcelle présente trois bâtiments que le poids des ans a altérés. Ce domaine fantôme était au siècle dernier une fromagerie.  Les archives notariales  font état en 1919 d’une vente entre les époux Blanc/Gollion d’une parcelle « aux lieux dits Moulin du Champ, Moulin de Champagant et Querelle » (sic) à la Société Fromagère de Champagnat représentée par son président, François Paquelier, et par les gérants Joseph Perrot, Joseph Goux, François Pillegand, Eugène Bondonnat et Jules Guidard, tous cultivateurs. Différents immeubles sont implantés sur ce terrain dont « une portion de bâtiment (…) composé d’une cave voûtée au rez-de-chaussée, d’une chambre sur la cave et d’une cuisine au bout, au nord de ladite chambre ». Un autre bâtiment fait face à ce dernier ainsi que cours, jardins et terrains. Un autre acte datant de 1973 mentionne que la Société devient Société Coopérative Fromagère de Champagnat en 1938 et a acquis depuis 1919 d’autres parcelles et biens contigus de 1923 à 1950. Cet acte fait enfin état de la vente des biens immobiliers de la Société Coopérative à deux propriétaires privés, indiquant ainsi la fin de l’activité fromagère sur la commune, activité qui dura une bonne cinquantaine d’années et que la « toponymie » contemporaine a remis au goût du jour…

La Prouillat longe l’actuel Chemin de la Fromagerie.