Traditions bressanes

Un mur en pierre vient clore l'ensemble constitué par l'église et le cimetière : il fut restauré dans les années 1891/1892. Un habitant de Condal m'a rapporté que la tradition orale voulait que ce soit les paysans du village qui aient bâti ce mur sous forme de dû à l'église. Guillemaut fait quant à lui mention d'un "orme superbe encastré dans le mur de clôture, plus que centenaire" . Ce dernier se serait situé "à l'un des angles du cimetière joignant la route de Louhans à Saint-Amour"  : on aperçoit effectivement encore aujourd’hui une sorte de pan coupé dans le mur de clôture, du côté du café du village. Cet orme, à force d’avoir servi  d’« hôtel de luxe » (pour reprendre les termes d’une habitante), s’est retrouvé complètement creux, ce qui signa son arrêt de mort. Des sapins bordaient également les abords du cimetière : ils furent  coupés après que l'un soit tombé sur le clocher de l'église . Jouxtant l'église, au nord, se trouve le presbytère. Il se présente comme un élégant édifice du 19ème siècle, joliment restauré. De plan rectangulaire, il est aujourd'hui une propriété privée  qui comprenait autrefois des dépendances nécessaires à la vie du desservant : cour, bûcher, jardin, etc. Il s'agit d'une restauration ou d'une reconstruction en lieu et place de la précédente cure construite en 1756 : les travaux furent réalisés de 1897 à 1899 par l'entrepreneur de Joudes, Joseph Deprost . Les propriétaires actuels rachetèrent la bâtisse à la commune (propriétaire depuis 1907) en 1994 après l’avoir louée plusieurs décennies. Dans leur bail était mentionné le fait qu’une chambre devait être laissée vacante pour le prêtre ainsi qu’une salle pour le catéchisme.

L’ancien presbytère, aujourd’hui propriété privée.

A Condal, il n'est pas rare d'entendre les passionnés d'histoire évoquer le fait que, approximativement, la commune était aux siècles précédents partagée en trois zones. A l'est du village, les propriétés de la famille Puvis de Chavannes à Saint-Sulpice ; celle de la famille de Montessus du côté de Dommartin, à Villars-Chapelle ; à l'ouest la famille de Chaignon qui possède toujours le château visible au bourg. Historiquement, la seigneurie de Condal appartenait aux moines de Gigny qui la vendirent en 1693 à un dénommé Gaspard Trébillet, avocat à Saint-Amour. Ce sont ses descendants qui revendirent les terres en 1768 à Pierre de Chaignon, représentant la France en Valais Suisse. Comme me l'a rapporté Robert Michelin, historien bressan que l'on ne présente plus, il est dit "ministre du roi" au moment de l'achat. Cette famille originaire du Périgord s'installa en effet en Belgique, puis en Suisse, avant de revenir en France. Ses armes sont "d'azur au lion d'or, armé et lampassé de sable, tenant une épée d'argent, garnie d'or". La famille de Chaignon possédait environ 1/5ème de la commune, en terre, fermes (une dizaine semble-t-il) et des bois dont elle se sépara peu à peu. L'un de ses membres, le fils de Pierre, Maurice, fut maire de Condal de l'an 9 (1801) à sa mort en 1822 et conseiller général de 1816 à 1822. Les de Chaignon sont encore présents sur la commune de Condal et possèdent toujours le château et l'une des fermes restée dans le giron familial, la ferme dite "de la Motte" à quelques centaines de mètres. D'ailleurs, certains voient en ce lieu, situé sur une hauteur à deux pas de l'église, la "motte Morin", recensée dans divers ouvrages comme étant l'emplacement d'une motte féodale. Une autre motte a été recensée sur la commune, dans le secteur de Saint-Sulpice. Le château est situé au bourg et est visible depuis la route venant de Varennes-Saint-Sauveur. Si sa date de construction reste énigmatique, l'inventaire du canton le fait faussement dater du 19ème siècle : il est vrai que son architecture classique est trompeuse mais la tradition orale transmise au sein de la famille de Chaignon atteste que des travaux de reconstruction eurent lieu à la fin du 18ème siècle. Au-dessus de la porte d'entrée du château, une pierre porte d'ailleurs la date "1782" sculptée. La bâtisse est de plan simple, rectangulaire, rehaussée d'un étage et d'un second sous les combles. Des percements réguliers viennent rythmer les façades. Ces derniers sont au nombre de 48, un bon nombre ayant disparu du fait de l'impôt sur les portes et fenêtres établi en 1798 et supprimé en 1926.  Divers bâtiments entourent le château, autrefois plus nombreux et plus vastes. Sont à noter, la survivance de lieux assez intéressants : les vestiges du mur délimitant « la cour basse », un pigeonnier, une orangerie, un bassin servant à baigner les chevaux ou encore une glacière. En un endroit de la propriété privée, se cache en effet une ouverture aujourd'hui ensablée donnant accès à cette réserve de glace destinée sans doute à conserver des denrées en prolongeant la période hivernale. Des pains de glace étaient remontés par temps de gel de la pièce d'eau située en contrebas de la propriété. Au 18ème siècle, cette pièce d'eau alimentée par des sources revêtait une forme géométrique parfaite et côtoyait d'autres éléments naturels d'agréments : carrés potagers dits "du roi", labyrinthe, fontaines, etc. Aujourd'hui, elle est bordée d'arbres bicentenaires, notamment des cyprès chauves alors qu'un grand tulipier jouxte la maison. Ils y quelques années, existaient encore des arbres rares : robinier avec ses gousses  immenses et ses piquants impressionnants, cornouiller, liquidambar, frênes à feuilles rondes, marronniers à fleurs roses, bouquets de sapins argentés, platanes immenses, mûriers à vers à soie, tilleuls et les deux énormes marronniers d'Inde de part et d'autre du portail d'entrée. François de Chaignon évoque une « pratique » liée à ces marronniers et à la quête à l’église : « Dans le plateau de quête, le grand jeu des jeunes du moment, pendant la messe, était d’y placer des marrons en lieu et place des oboles. Le tout, sans se faire prendre. Les intéressés se reconnaitront… ». En empruntant  un chemin appelé "L'Avenue" débouchant sur la cour devançant la bâtisse  On découvre de part et d'autre deux bâtiments longilignes, (pour l'écurie des chevaux à droite et le garage à calèches à gauche et les boucles d'attache dans la cour intérieure), dont l'une des faces est bordée d'arcades. La charpente de l'un de ces bâtiments laisse supposer que leur construction est antérieure à la période de reconstruction du château. De là à penser que nous sommes face à d'anciens éléments de la propriété des moines de Gigny... Robert Michelin, en spécialiste de cette abbaye et de celle du Miroir toute proche, m'a à nouveau éclairée sur leur présence, leurs droits et les possibles édifices dont ils avaient l'utilisation, notamment d'éventuelles granges dîmières. Une grange dîmière (appelée également grange dîmeresse ou grange aux dîmes) était un bâtiment qui avait pour fonction, entre autres, de servir à entreposer la collecte de la dîme, impôt en nature, de l'ancien régime portant principalement sur les revenus agricoles collectés en faveur de l'Église catholique. Au moment de la vente de la seigneurie à Gaspard Trébillet en 1693, les moines percevaient à Condal 63 livres 5 sols en argent, du blé, de l'avoine, des gelines (des volailles), du vin. Après celle-ci, les moines conservèrent leurs dîmes, le patronage de la cure et le pré dit du Breuil. En fait, ils avaient les deux tiers des dîmes, le curé du lieu en ayant le troisième tiers : à Condal la dîme était levée à la 12ème gerbe (soit 1/12ème de la récolte) sur les gros blés (céréales principales). Les différents documents d'archives ne font pas mention de grange dîmière comme aurait pu le laisser entendre certains toponymes anciens mais évoquent par contre les hameaux de Condal et Villars Chapel ; les grangeries de Petit Condal, Escharlanges (notre Charlanche actuel) et une portion de Varignolles.

Vue aérienne du château il y a quelques décennies (Coll. part.)

Face au château de Condal, se trouve l'église du village. Située sur une sorte de promontoire, elle est placée sous le vocale de Saint Laurent. C'est pourquoi la fête patronale a encore aujourd'hui lieu le dimanche de la semaine du 10 août et qu'une parcelle de terrain située en contrebas du château était autrefois appelée "Pré Saint-Laurent". Pour accéder à l'église, il faut emprunter des escaliers : soit face au château, soit depuis l'ancienne bascule présente dans le bourg. En pierre, son édification remonterait au 13ème siècle. Son plan est simple puisqu'il se compose d'une nef unique débouchant sur un chœur de tradition romane à chevet droit. En effet, comme bien souvent un peu partout, les paroissiens eurent à se plaindre de l'étroitesse de leur église bien qu'un agrandissement ne soit jamais envisageable aux vues des dépenses déjà nécessaires au simple entretien de l'édifice. En 1840, l'église fut néanmoins entièrement restaurée, dans un savant mélange de styles divers. Le plafond de la nef présente un original décor en stuc à caissons carrés : un motif floral identique dans chaque caisson se détache sur un fond rose qu'une moulure vient rehausser. Lors de la restauration de l'église en 1988, quelques curiosités furent mises au jour sous l'enduit peint qui recouvrait l'ensemble des murs : l'appareillage de calcaire rose, mais aussi les moellons de pisé constituant la voûte du chœur, des niches, ou encore un "vidoir". Mentionné comme "crédence trilobée creusée dans le mur méridional" par l'inventaire général, la personne chargée d'ouvrir l'église m'en a donnée son interprétation. Le vidoir servait à vider l'eau bénite après les offices : au lieu de la jeter "n'importe où", on la versait dans les deux trous pratiqués à la base de cette sorte de niche afin que l'eau se déverse dans les fondations mêmes de l'église. Une tribune permet d'approcher de près les caissons du plafond, les deux plus bas oculus de pierre visibles en façade en forme de fleur, ainsi que d'accéder au clocher. Celui-ci est coiffé d'une toiture pyramidale aigüe et son mantelet est recouvert de tuiles vernies, remplaçant les anciens  tavaillons de bois. Deux cloches carillonnées rythmèrent autrefois la vie des paroissiens. La plus petite date de 1845, présente huit médaillons de saints et fut offerte par les familles de Chaignon et d'Ananches. Seize ans plus tard, monsieur le Maire et, visiblement, son adjoint firent également monter une cloche, plus grosse que la précédente... Elle porte deux médaillons : le Christ et la Vierge. L'horloge actuelle est en place depuis 1974 : elle remplace une horloge mécanique que le propriétaire du château de Rosay remit en état afin de la placer dans son château. A noter au passage, l'intelligent système de grilles placées en lieu et place des portes de l'église, permettant ainsi (tout en maintenant l'église en sécurité) un passage constant de l'air et un renouvellement de celui-ci évitant (comme c'est le cas en bon nombre d'endroits) que ces édifices le plus souvent fermés ne dépérissent peu à peu... Concernant l'intérieur, en 1967, Evariste Maître fit réaménager le chœur : c'est ainsi que depuis, l'autel est placé afin que le prêtre soit face à l'assistance. Il fit également retirer les grilles séparant la partie consacrée de la nef. Parmi les statues présentes, sont à remarquer celle de Saint Antoine, très vénéré en Bresse, ainsi que celle, bien évidemment, de Saint Laurent. A l'entrée de la nef, de part et d'autre et fixées au mur, se trouvent deux dalles funéraires. A droite, celle de Maurice de Chaignon, ancien maire de Condal. Déjà présentée en photographie dans ces chroniques, elle porte les armoiries de la famille ainsi qu'un long texte mettant en avant les vertus du défunt. Lui fait face, une dalle de calcaire blanc, celle de son beau-père, décédé en un plus tard, en 1823 : Nicolas Charles Quenel. Une troisième est visible au sol, à l'entrée de l'église, sous le clocher : il s'agit de celle de Pierre-Marguerite Guerret de Grannod, décédé dans sa propriété de Charlanche en 1813. D'après Guillemaut, c'est lui qui fit bâtir le château de Grannod à Sornay . Quelques toiles peintes viennent animer les murs, tout comme le grand Christ en croix, mais aucun chemin de croix n'est plus visible. Par contre, à l'extérieur de l'édifice, le long du mur du côté de l'ancien cimetière, trois bornes en pierre sont encore présentes dans le sol, portant les chiffres 7, 11 et 12 : faut-il y voir les restes des stations d'un chemin de croix extérieur devant lequel les fidèles s'arrêtaient ? Le cimetière de Condal jouxta l'église jusqu'en 1942, date de sa désaffection et de la mise en place d'un nouveau cimetière, à l'extérieur du village, le long de la route menant à Saint-Amour. Néanmoins, il n'est encore pas transféré et des tombes parfois plus que centenaires tiennent encore plus ou moins face aux poids des années. Au milieu, se dresse une croix érigée en 1845 à l'occasion d'une mission menée par les pères maristes Humbert et Dunan. Sa base en pierre porte l'inscription "Par ce signe vous vainquerez"  (oui "vainquerez" : la faute n'est pas de moi!) et supporte une belle croix en fer forgé très imagée représentant divers symboles de la vie et de la passion du Christ. La croix du cimetière actuel date quant à elle de 1951.

L'église de Condal.

Le village de Condal tel qu’on le connait aujourd’hui est le résultat de l’association de deux communes : Condal et Saint-Sulpice. C’est en 1809 que Saint-Sulpice (qui comptait « 25 feux » et « 80 communiants » au temps de Courtépée) fut réuni à Condal qui comprenait alors 80 feux et 300 communiants. Si la population de Condal a connu des hauts et des bas, elle est à l'heure actuelle en hausse. D'un point de vue économique, sur les 40 établissements recensés au 31 décembre 2010 par l'INSEE, 32,5% sont à vocation agricoles, 7,5% industrielles, 10% liés à la construction et 40% aux transports et commerces divers. Les 10% restants représentent l'administration publique et l'enseignement. Une école est effectivement présente dans le village, fonctionnant en RPI avec Dommartin-les-Cuiseaux. Une forte activité associative est également présente sur la commune. Je ne donnerai pas la liste exhaustive des associations de peur d'en oublier mais l'on peut tout de même citer le Comité des Fêtes ou le club de football et d'autres initiatives récentes telles que "Les petites mains" (création avec les enfants) et "De fil en aiguille" (travaux de couture et autres, réalisés par des personnes se retrouvant le deuxième jeudi du mois dans une salle du café, seul commerce encore en activité dans le bourg faisant également office de dépôt de pain et de bureau de tabac-presse). La population de Condal est relativement jeune puisqu'en 2009, la moitié de la population avait entre 20 et 65 ans, l'autre moitié se partageant entre les moins de 20 ans et les plus de 65 ans. La tranche d'âge 30/60ans représentant à elle seule 55% de la population et les retraités composent 15% des habitants de Condal . Cette situation est en partie due à la présence d'entreprises employant de la main d'œuvre sur la commune, à la proximité avec Saint-Amour ainsi qu'à la création d'un lotissement au lieu-dit "La Pinède", dans les années 1972.

Paysage à Condal...