Traditions bressanes

Quittons à présent l’église du village et dirigeons-nous vers le bourg de Champagnat. Pour ce faire, deux solutions s’offrent aux promeneurs : emprunter la « Route de Cuiseaux », la D411, ou bien un petit chemin parallèle la surplombant, le « Chemin de l’église », desservant uniquement l’édifice paroissial. En passant par cette petite voie, deux éléments attirent la curiosité. Tout d’abord, le monument aux morts. Surmonté d’une croix, il fut érigé en mémoire des soldats tombés lors de la première guerre mondiale. La base porte, en plus du nom des vingt-six disparus, les inscriptions suivantes : « Aux soldats de Champagnat morts pour la France dans la Grande Guerre. Chrétiens priez pour eux. Français n’oubliez pas ». Un peu plus loin, la deuxième « curiosité » est une petite fontaine urbaine : nous aurons l’occasion à plusieurs reprises de constater que l’eau est omniprésente dans le village. Le chemin de l’église et la route de Cuiseaux enserrent un long bâtiment qui abritait autrefois l’école libre. Il s’agit d’une maison à deux étages, de plan rectangulaire, agrémentée de nombreuses ouvertures, abritant aujourd’hui des logements. En 1865, Valentine Meaudre, épouse d’Edouard Puvis de Chavannes, fit remettre en état cette bâtisse en exécution du testament de son défunt mari afin d’accueillir l’école communale de filles. L’enseignement fut confié à des religieuses de Chauffailles auxquelles succédèrent des sœurs de la Providence de Portieux, dans les Vosges. Au décès de la religieuse directrice en 1888, l’école fut laïcisée et convertie en école libre paroissiale sur la volonté du maire de l’époque, Alphonse Puvis de Chavannes. 

L’ancienne école libre.

De la plaine, on peut accéder à Champagnat par la route dite « de Cuiseaux » ou par la « Route de la Bresse ». Une multitude de chemins vicinaux desservent ensuite les hameaux et écarts communément appelés « villages » : Arbuans, le Brouchy, Goys, Mary, Semon, la Ville,… Bien que l’histoire de Champagnat semble peu ancienne, un document de 1222 mentionne le nom de « Campaniacum » et Bernard Gaspard dans son Histoire de Gigny en 1843 fait état d’un prêtre desservant la paroisse au 12ème siècle. Au fil des siècles, on trouvera cités, entre autres, les noms de « Campania », « Champeigniacum », « Campaneto », « Champaigné » ou encore « Champaigneault », avant que ne se fixe « Champagnat » en 1691. Deux origines sont habituellement données à ce toponyme : l’une évoque le gentilis gallo-romain « Campanius » (cette terre serait celle d’un homme nommé Campanius), l’autre le dérivé latin « campania » synonyme de « terrain découvert ». La question de l’étymologie reste à ce jour insoluble dans la mesure où un village était ordinairement établi dans un espace défriché… Aujourd’hui jouxté par les communes de Joudes, Cuiseaux et Montagnat-le-Reconduit (dans le Jura), Champagnat (qui compte un peu plus de 500 habitants) s’est trouvée être en une position géographique ayant influencé sur la sociologie et sur l’aspect qu’a encore aujourd’hui le village : ce n’est pas un amalgame de traditions et d’influences qui se présente à nous mais bien une juxtaposition, une jointure de ces dernières, donnant à Champagnat tout son cachet.

Les quartiers et villages de Champagnat ont gardé toute leur typicité.

Lorsque l'on arrive à Champagnat depuis la route de Cuiseaux, le premier bâtiment devant lequel nous passons est l'église du village. De style gothique pour les parties les plus anciennes (13ème et 14ème siècles), elle subit de nombreux remaniements au 19ème siècle : agrandissement des baies pour pallier au manque de luminosité, modification de la façade, adjonction de deux chapelles latérales, etc. A l'origine "mère-église", elle est réunie à celle de Cuiseaux en 1426 par les moines de Gigny qui en avaient le patronage. Ce n'est qu'en 1826, suite à une ordonnance royale, que l'église de Champagnat retrouve son autonomie spirituelle et c'est à partir de cette date qu'auront lieu les travaux cités à l'instant. Cependant, ce n'est qu'en 1833 que sera nommé un prêtre strictement attaché à l'église, l'abbé Marcout. Une pierre tombale située à l'extérieur de l'église, à gauche de la porte d'entrée, lui est dédiée ainsi qu'à Léon-Robert Brice (le prêtre compositeur évoqué il y a quelques semaines avec vous pour sa chanson consacrée à la Foire de la Saint-Simon), qui desservit la commune de 1936 à 1972. L'église est placée sous le patronage de l'Assomption de la Sainte-Vierge : c'est d'ailleurs le 15 août que, chaque année, les Champanois et Champanoises se retrouvent pour la fête patronale. C'est justement la Sainte-Vierge qui nous accueille à bras ouverts à l'église puisqu'une statue en fonte la représentant surmonte la façade principale. Pour la petite histoire, elle fut achetée par les habitants de la commune qui se cotisèrent afin de remplacer la statue d'origine renversée un jour de forts vents. De l'extérieur, d'autres éléments sont à remarquer : le clocher carré très massif d'influence romane protégeant deux cloches (datant de 1776 et 1878), la toiture de la nef en lauze et une tourelle ronde visible à l'arrière de l'édifice. La porte d'entrée est abritée par un porche et encadrée par une double voussure et par un larmier reposant sur deux petits chapiteaux. Bien que fortement usés par le temps, on peut y deviner les traits de figures humaines : un homme encapuchonné à droite et une femme en coiffe à gauche. Le cimetière, comme cela est encore fréquent dans les bourgs de nos campagnes, jouxte l'édifice. Il a été clos en 1882 après trois années de discussions afin de mettre fin aux vagabondages de certaines bêtes à cornes y pâturant... Cela était également le cas un peu partout...  Au cimetière, sont encore à remarquer une croix en fer forgé datant de 1742 et une chapelle funéraire néo-gothique, caveau des familles Puvis de Chavannes et Truchis de Lays. Nous aurons à revenir sur l'histoire et le patrimoine de ces familles tout au long de notre découverte de Champagnat mais évoquons dès à présent la mémoire de Bernard de Truchis de Lays. Né en 1936, ce Lieutenant de vaisseau périt en mer en 1970 dans « L’Eurydice » qu’il commandait et qui sombra au large de Saint-Tropez. L'accès à l'église se fait depuis la route de Cuiseaux par un grand escalier... Encore un regard sur le magnifique point de vue offert depuis le portail puis poussons ensemble la lourde porte de l'église... Saisissant autant qu'apaisant. Est-ce la luminosité, l'architecture, les matériaux ou bien tout l'ensemble qui donne l'impression étrange de se trouver dans une sorte de "petite" chapelle rurale de montagne?... A l’entrée de l'église, nous voici sous une tribune à laquelle on accède par un escalier tournant à notre gauche. En face, la nef se déroule jusqu'au chœur entouré des deux chapelles latérales, ensemble qui domine le tout. En effet, l'église ayant été bâtie à flanc de montagne, le sanctuaire se trouve surélevé par rapport à la nef : sept marches séparent ainsi les deux parties de l'église. Aux murs, les pierres sont apparentes sur la partie basse alors qu'au sol, de grosses dalles rythment le pas des pèlerins. L'intérieur de l'église a été entièrement restauré dans les années 1980 ; les extérieurs en 1994. Concernant le mobilier, bien que tout soit intéressant, citons ici seulement quelques éléments : trois autels en pierre blanche, une chaire du 19ème siècle, un bénitier de près d'un mètre de haut (18ème siècle), vitraux réalisés par un maître-verrier de Chalon-sur-Saône représentant l'Assomption de la Sainte-Vierge ainsi que Saint Antoine ermite et Saint Donat, tous deux patrons secondaires de la paroisse, etc. Chacun de ces deux saints possède sa statue à l'intérieur de l'église (le curé Sermesse mentionne d'ailleurs en 1905  l'existence d'un pèlerinage se pratiquant autrefois le 17 janvier pour la Saint Antoine), aux côtés du Sacré-Cœur, de Saint-Joseph ou encore de deux grands anges adorateurs. Mais l'église de Champagnat est surtout connue pour l'une de ses cinq toiles peintes. Intitulée "Le Christ aux outrages", il s'agit d'une œuvre de Puvis de Chavannes. Si nous avons déjà évoqué la destinée de cet artiste de renom dans de  précédentes chroniques consacrées à Cuiseaux c'est parce que sa famille y possédait des biens patrimoniaux, à l'image de la demeure de la place Saint Thomas connue sous le nom d'Hôtel Puvis. Mais en réalité, la famille du peintre est originaire de Champagnat, village où la famille resta et reste toujours attachée, ainsi qu'aux villages environnants. Ce tableau mesurant près de deux mètres de haut a été peint en 1858 alors que l'artiste n'a que 24 ans. Désormais propriété de la commune, elle est la seule œuvre du maître à être visible publiquement sur la commune et ses alentours. Protégée par classement en 1976, cette œuvre présentée dans un cadre doré est décrite ainsi :  " Le Christ, au corps très blanc, très long et très maigre, légèrement ployé sur les genoux, au visage serein et indifférent, est adossé à une colonne et entouré de quatre personnages qui le raillent et l'insultent : deux soldats romains et deux vieillards. L'ensemble est détaché sur la tunique rouge qu'un sbire, à l'arrière-plan, arrache des épaules du Supplicié.  Œuvre académique (le peintre était alors âgé de 24 ans) mais non de dénuée de force, et d'une construction impeccable. " Un Puvis de Chavannes digne des plus grands musées de Beaux-arts : voilà de quoi étonner, et ce n'est que le début de notre balade à Champagnat!...

L'église de Champagnat vue depuis le bourg.

Autrefois surnommé « le petit Cuiseaux », Champagnat voit généralement son histoire se confondre avec celle de la cité des Princes d’Orange dont elle était considérée comme étant une annexe. C’est d’ailleurs sur une note peu enthousiaste que Lucien Guillemaut termine sa description du village de Champagnat :  « En somme, à part l’église, une des plus anciennes de la région, et des débris des chapelles de hameaux (…) on a rien de bien intéressant à signaler en ce lieu. Son passé historique, si ancien qu’il soit, n’est pas important ou plutôt il se confond avec celui de l’abbaye de Gigny auquel cette paroisse de Champagnat était annexée, et ensuite avec celui de la ville de Cuiseaux.  » Peu engageant…mais un peu hâtif ! Perché sur le Revermont, Champagnat offre une vue imprenable et sans obstacle sur la plaine de la Bresse, « jusque sur les bords de la Saône et sur les côtes du Maconnais » écrivait en 1905 le curé de la paroisse, Pierre Sermesse. Si le bourg s’élève à peu près à 300 mètres, le point culminant du village reste le Mont Février (611 mètres), sommet du massif jurassien par lequel passe le circuit de Grande Randonnée 59 reliant le Ballon d’Alsace à Izieu (69) via Lons-le-Saunier. D’une superficie modeste (environ 13km2), la commune possède cependant une diversité de visages : fermes bressanes à tuiles plates ou canal à Louvarel, maison de type bugeyen à Gratte-Loup, habitat vigneron à Vaux, châteaux, lavoirs, croix, combes où serpente la Prouillat, forêts,… La balade risque d’être variée et pittoresque !

A la découverte du patrimoine de Champagnat…