Traditions bressanes

Lecteurs bressans ou simplement de passage, as-tu remarqué le charme de nos petites fermes bressanes ? Louées par tous les régionalistes, par les hommes de lettres comme Guy Otte ou Jean Loinais, les maisons bressanes s’égrainent au fil des chemins, essaimées sur le territoire. Nées de la terre, elles semblent en sortir effectivement, tels des champignons coiffés d’un lourd chapeau retombant jusqu’à terre.

> Un sol et des pratiques à la base de tout

> De la hutte à la constitution de hameaux

> Bien mobilier et "maisons de Lune"

> Le pan de bois : élément de construction et de datation

> Des murs en bois et en terre que l'on voulait cacher

> Deux types de toits pour deux régions historiquement dissociées

> Une architecture répondant à des besoins agricoles et domestiques

Tout comme l’habitat bressan reflète les particularités de la Bresse (omniprésence des forêts pour la construction de l’ossature en bois, et de l’argile ainsi que de l’eau pour la confection des torchis, briques, tuiles ou carrons), le mobilier bressan illustre les particularités et la nature du paysage de la Bresse.

> Un mobilier à deux tons reflet du terroir reflet du terroir

> Le mobilier de ferme

> Meubles raffinés

> Un décor porteur de sens

> Chaisiers et pailleuses de Bresse

Bresse bourguignonne et Bresse de l’Ain, bien que portant le même nom général de Bresse ont eu une histoire distincte : pour exemple, la première a été rattachée au royaume de France en 1479 et la seconde en 1601. Mais une autre différence, culturelle, est visible notamment à travers l’architecture et la patois à travers une limite qui ne correspond pas au partage des deux départements, Saône-et-Loire et Ain, mais à une frontière invisible passant géographiquement par Cuisery, La Chapelle-Thècle, Montpont et Sainte-Croix. Cette ligne reprend l’ancienne frontière existante entre pays de droit coutumier au nord et pays de droit écrit et au parler franco-provençal au sud et marque encore physiquement une partition entre toits très pentus du nord et toitures à pente douce (environ 25°) du sud. Du fait de ces particularités culturelles mais également architecturales, les toits du nord de la Bresse sont recouverts de petites tuiles plates alors que ceux du sud sont en tuiles canal ou romaines. Ainsi, dans certains points de la Bresse, sur cette limite, se jouxtent fermes bressanes à toits pentus en petites tuiles et toits plats à tuiles canal : c’est le cas au hameau de Tagiset sur la commune de Sainte-Croix où sur une même parcelle se côtoient ces deux types de toiture. Du fait de cette différence, la constitution de la charpente n’est pas tout à fait identique entre nord et sud mais deux éléments demeurent cependant de part et d’autre : la toiture à quatre pans et l’utilisation d’avant-toits très prononcés. Cette dernière caractéristique, utilitaire, s’explique de différentes façons. Tout d’abord, d’un point de vue technique, ce large débord, appelé également « sevron » et couvrant la partie au sol nommée « galerie », servait à protéger des intempéries les premiers et fragiles matériaux de remplissage des panneaux qu’étaient le torchis et le clayonnage. Deuxième explication : la protection de l’escalier en bois placé en façade donnant accès par l’extérieur au niveau supérieur de la maison ; escalier aujourd’hui bien rare. Enfin, indissociable de notre appellation de « ventres jaunes », le large avant-toit permettait de faire sécher à l’abri les panouilles de maïs. Au sud de la Bresse, elles étaient attachées aux bras de l’avant-toit en forme de grosses grappes alors qu’au nord, elles étaient positionnées, souvent par quatre, sur une pièce de bois supportée perpendiculairement par les bras. Utilisation pratique mais également porteuse de sens puisque cet étalage des panouilles permettaient de montrer à tous la qualité et l’abondance de sa propre récolte, tradition que l’apparition des séchoirs à maïs viendra compromettre.

Le hameau de Tagiset présente côte à côte des toitures de types Bresse du Sud et Bresse du Nord.

Si aujourd’hui, on trouve un certain charme aux vieilles maisons bressanes et aux pans de bois, ce ne fut pas toujours le cas. Dès le début du 20ème siècle, apparaissent des enduits à la chaux sur les murs extérieurs, enduits qui deviendront par la suite ciment afin de cacher des matériaux admis à cette époque comme peu nobles. Idée d’une époque et phénomène de mode car autrefois, même les maisons de maîtres, que l’on appelait maisons hautes et basses ou manoirs, supportant deux niveaux et un ou plusieurs pigeonniers étaient bâties de la sorte.
C’est ainsi, notamment dans les bourgs, que des maisons à l’architecture bressane apparaissent avec des murs aux tons grisâtres, enduits réalisés afin de cacher le bois mais aussi la terre qui constituaient les murs. La terre était en effet présente sous sa forme la plus simple à travers le torchis ou le clayonnage, employés pour le remplissage des panneaux. Le torchis, méthode la plus rustique, consistait en un simple mélange de terre et de paille formant cloison ; le clayonnage, plus élaboré, reprenait le système du torchis mais sur une ossature de bois, sur une petite treille de putaverne, nom local donné à une variété d’aulne, la bourdaine, très maniable et imputrescible. Ces deux modes de remplissage, par leur fragilité, étaient la proie de la pluie battante et du vent si bien que l’on s’est ingénié à ne les laisser qu’aux niveaux élevés des murs protégés par l’avant-toit.
Plus simple à fabriquer et à installer, plus facile d’entretien et plus résistant, la brique est venue ensuite remplir les panneaux, agglomérée par des mortiers à la chaux et laissée apparente. Bien que produit plus élaboré, la brique n’est ni plus ni moins, à nouveau, que de la terre issue du sol bressan. Activité rationnalisée par les implantations, nombreuses mais quasiment totalement disparues de nos jours des tuileries, briqueteries ou carronières, certains propriétaires réalisaient eux-mêmes leur brique en extrayant de la terre là où ils voulaient implanter leur ferme. Un petit four était élevé afin de cuire, sur place, les briques qui serviront à remplir les panneaux et le trou formé dans le sol par cette extraction était laissé béant pour devenir la mare où la femme laverait le linge et où les animaux allaient boire.