Traditions bressanes
La coiffe comme indicateur social
Concernant la grande coiffe, dans notre région de Bresse Louhannaise, un modèle était avant tout porté, le "cocardiau". Il était caractérisé par des pans de tulle descendant du plateau circulaire sur les épaules de la femme et par la forme particulière de l’armature en laiton qui ressemblait à des bouquets ou à des choux-fleurs : à Sainte-Croix, cette coiffe était agrémentée de volutes de tulle enroulées dans le cocardiau lui-même, ce qui lui a valu le nom de "nid d’oiseau" du à sa ressemblance avec le perchoir des volatiles. Ce cocardiau se portait au nord d’une ligne passant de Romenay à Varennes-Saint-Sauveur ; au sud, le laiton prenait la forme d’une cheminée, plus ou moins évasée et conique selon les villages, rappelant fortement l’architecture des cheminées sarrasines de cette même région. Si chaque région culturelle ou village possède ses propres coiffes, ces dernières ont toutes en commun de spécifier l’identité de la personne qui la porte. Dans de nombreuses cultures, le costume, les éléments de parures apparaissent comme des indicateurs sociaux de celui qui les portent : la coiffe, qu’elle soit bressane ou originaire d’autres provinces, par sa couleur, son aspect… constituait l’un de ses indicateurs sociaux. Laissons là de côté les spécificités des formes de coiffes selon les pays et villages pour nous intéresser plus particulièrement aux codes liés à ces dernières. Lorsqu’une Bressane portait sa coiffe, grande ou petite, on savait déjà d’où elle était originaire étant donné la forme de celle-ci. Ensuite, on connaissait son niveau de richesse grâce à la façon et aux finitions de la coiffe : concernant la petite coiffe, plus elle était brodée et plus elle comptait de "ruches" (les ruches sont les rangs de broderies enserrant le visage), plus la Bressane était aisée. Pour la grande coiffe, la richesse se voyait grâce à la voilette tombant sur le front : plus elle était longue, plus il fallait de tissu pour la confectionner et payer cher la coiffe donc, automatiquement, plus la femme était riche. Les chaînes à chapeau, bijoux ornant la grande coiffe, venait ajouter de la valeur à cette dernière.
La chaîne à chapeau était un indicateur d’aisance sociale supplémentaire lié au port de la coiffe (Musée du Terroir de Romenay aujourd'hui transféré à la Ferme du Champ bressan).
Le costume de fête
Pour les grandes sorties et cérémonies tels que mariages, baptêmes ou communions, hommes et femmes revêtaient leurs plus beaux costumes que l’on a assimilés au costume traditionnel bressan. L’achat de ces vêtements engendrait une lourde dépense, ainsi on les gardait le plus longtemps possible et la plupart du temps le Bressan et la Bressane n’avaient qu’un seul vêtement de ce type durant sa vie : on pouvait se le transmettre de génération en génération ou bien être inhumé avec. Les hommes portaient pour ces occasions un complet noir uni ou rayé composé de veste, gilet, pantalon, chemise et cravate et étaient chaussés pour les plus riches de souliers montants ou à guêtres. Les femmes quant à elles portaient des ensembles raffinés, la coiffe, des sabots à brides et sculptés ou des souliers. Nous avons l’habitude de rencontrer aux détours des musées et des représentations un costume bressan très sobre, constitué d’une grande robe noire et de la grande coiffe noire à cheminée. En réalité, il semblerait que le costume de fête des femmes bressanes était autrefois plus coloré : elles portaient une jupe large, un chemisier et par-dessus un tablier enveloppant mais avec beaucoup plus de façon que ceux portés pour le travail quotidien. Ainsi, le tablier ou "devanti" comme élément utile au quotidien devient un élément décoratif du costume de fête. Le décolleté était quant à lui toujours couvert soit par les pans du fichu revenant sur les épaules, soit par la "gorgerette", plastron placé sous le décolleté de la robe et porté par les Mâconnaises et Bressanes du Val de Saône, constitué d’une toile de chanvre, sur laquelle était cousue une pièce d’étoffe richement décorée de broderies. Ce costume peut être qualifié d’ancien puisqu’au début du siècle il fut remplacé par un port plus moderne constitué d’une chemise ou d’un caraco de couleur blanche ou noire et d’une longue jupe noire ; des boléros et vestes brodées pouvaient parfois s’ajouter à cette parure. Si la couleur noire était très présente dans l’habillement du début du siècle c’est qu’entre un taux de mortalité élevé et la fréquence des guerres, les deuils qui duraient deux ans se succédaient bien souvent.
Cette carte postale du début du siècle représente les deux costumes dits traditionnels de la Bressane : ancien et moderne.
Petites et grandes coiffes : de l'utile à la parade
S’il est un élément du costume "traditionnel" bressan qui ait survécut et ait été porté le plus longtemps c’est bien la coiffe. Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, les femmes ne sortaient jamais tête nue ainsi, que l’on aille aux champs ou au marché, la coiffe était de rigueur. Cependant, il existait deux types de coiffes : la petite coiffe blanche portée quotidiennement, retenant principalement les cheveux, et la grande coiffe d’apparat, visible dans tous les musées consacrés à la culture bressane et fièrement arborée par les groupes folkloriques ou traditionnalistes. Cette dernière se compose d’un plateau de feutre noir surmonté d’une carcasse en laiton recouverte de dentelles également noires.
Il semblerait que la grande coiffe soit apparue au 16ème siècle comme la plupart des costumes régionaux : une gravure de 1530 appelée "Rustica Bressana" représente une femme Bressane portant le costume d’alors et coiffée d’un chapeau haut. Ce modèle semble être à l’origine de la grande coiffe noire reconnue comme bressane mais son apparition et ses influences restent incertaines : est-elle inspirée de la coiffe des Piémontaises, de celle d’une région reculée de l’Espagne ? De nombreuses questions sont posées, s’ajoutant ainsi au charme et au mystère entourant les coiffes souvent louées par les régionalistes pour qui leur forme accentuait la beauté des Bressanes…
Quoi qu’il en soit, sur cette gravure il apparait qu’une autre coiffe est portée sous ce grand chapeau, comme si un filet retenait les cheveux ramenés en chignon bas. Cette caractéristique nous ramène à notre petite coiffe qui était portée seule au quotidien mais également sous la grande coiffe lors des fêtes, effectivement afin de retenir la chevelure.
Mais qu’elle soit grande ou petite, au cours des siècles, la coiffe a évolué différemment selon les provinces et contrées jusqu’à devenir parfois particulière à chaque village. Ainsi, là où la petite coiffe de la Bresse de l’Ain enserre simplement l’arrière de la tête en étant retenue par une petite bride, celle la Bresse louhannaise, dite aussi coiffe à bourrelet ou de Montpont, maintient-elle toute la tête pur se terminer en une bride formant un gros nœud sous le cou.
En passant par la Bresse avec mes sabots...
Aux pieds, les Bressans qu’ils soient hommes, femmes ou enfants portaient chaussettes et bas de laine ainsi que des sabots. Le sabot était la chaussure la mieux adaptée aux sols humides et argileux de la Bresse mais c’est avec l’arrivée des premiers tracteurs qu’il disparut : en effet, il n’était pas aisé de monter sur la machine chaussé de la sorte. En plus d’être très pratique sur la terre meuble et de protéger du froid et de tous les temps, le sabot avait l’avantage d’être bon marché et se trouvait dans toutes les localités puisque chaque commune, voire gros hameaux, possédait un ou plusieurs sabotiers. Certains se sont faits une très bonne réputation et ont encore exercé dans la deuxième moitié du 20ème siècle à l’image de l’atelier des Bernardot à Sainte-Croix. Les caractéristiques du sabot bressan proviennent des essences légères de bois utilisées comme le saule, l’aulne, le peuplier et plus souvent, le bouleau. Autrefois, le sabotier travaillait à façon, chaque client lui amenant son bois, dans lequel l’artisan sciait un morceau de la longueur du sabot. Ensuite, avec hache, herminette et paroir, le sabot prenait sa forme ; puis on le creusait à l’aide de cuillères, de la raisane et du butoir. Après ces différentes étapes, le sabot était mis à sécher pendant plusieurs mois avant d’être fignolé au paroir et racloir. En plus d’être utilitaire, le sabot est devenu un élément incontournable du costume bressan. Les hommes, portaient un sabot entièrement couvert et en bois auquel on pouvait ajouter des guêtres ou des tiges de cuir afin de travailler dans les lieux humides, notamment pour le curage des fossés : c’était des "bottes à sabots" ou "sabots-bottes". Pour plus de confort, un petit coussin en cuir pouvait être fixé sur des sabots plus dégagés sur le coup de pied. Plus fantaisistes et plus élégants, les femmes pouvaient porter des sabots à brides, dégagés sur le dessus du pied et retenu par une bride de cuir décorée, mais aussi des sabots vernis ou sculptés. Le client pouvait faire son choix grâce au "catalogue" dont se servaient certains sabotiers consistant en une planchette de bois sur laquelle étaient présentés tous les décors sculptés proposés par l’artisan : l’un d’entre eux est notamment exposé à l’Ecomusée de la Bresse bourguignonne.
Le sabotier était un artisan très commun dans nos villages de Bresse et son savoir-faire reconnu.