Traditions bressanes

Si les coiffes accompagnaient la Bressane tout au long de sa vie, elles avaient elles mêmes leur propre vie : de sa confection à son entretien, de nombreux savoir-faire étaient requis. Si le travail du repassage de la coiffe a toujours été reconnu comme exceptionnel (du repassage dépendait la bonne tenue de la coiffe et donc l’élégance de celle qui la portait), sa confection était assimilée à un "simple" travail de couture. Réalisées à la demande, les coiffes bressanes l’étaient par des petites mains excellant dans chaque village dans l’art de mettre en valeur les étoffes notamment grâce à des broderies parfois agrémentées de fils d’or ou d’argent ou de paillettes. Comme tout vêtement, la coiffe abimée était réparée à la maison ou par une lingère, cette dernière vivant de l’entretien des linges, lavage, raccommodage… Mais le repassage de la coiffe requérait quant à lui une habileté sans égale car c’est du repassage que dépend la forme définitive de la coiffe. Avec la disparition du port du costume traditionnel et de sa coiffe au début du 20ème, le métier et les techniques de la repasseuse, présente dans chaque village, ont eux aussi disparu, ravivés cependant par quelques groupes folkloriques locaux lors de manifestations régionales. La repasseuse novice apprenait ces gestes délicats auprès de repasseuses professionnelles souvent issues de la même famille ou de la même localité. Une fois l’apprentissage terminé, la repasseuse installait son atelier chez elle et se faisait sa propre clientèle : il va sans dire que le travail bien fait était un gage de reconnaissance. Chaque repasseuse avait ses petits secrets pour réaliser l’empois nécessaire au bon repassage de la coiffe mais le matériel utilisé restait plus ou moins le même : de l’amidon, du bleu outremer, des fers à repasser en fonte de différentes tailles afin d’étirer les rangs de dentelles, à coque pour le fond, à tuyauter pour les rangs… Jeannette, molleton, réchauds et marotte venaient compléter l’attirail nécessaire à un bon repassage. Les coiffes n’étaient pas emmenées chez la repasseuse chaque fois qu’elles étaient portées alors on prenait bien soin de les ranger minutieusement dans l’armoire, dans le creux de la boîte à chapeau, dans un sac en papier, sur une marotte ou encore dans un petit coffret en bois peint. C’est grâce à toutes ces précautions que certains spécimens nous sont parvenus aujourd’hui.

Au musée d’arts et traditions populaires de Châtillon-sur-Chalaronne, l’atelier d’une repasseuse de coiffe a été reconstitué.

Lorsque l’on évoque les costumes traditionnels régionaux, ce sont bien souvent les coiffes, les sabots ou les vêtements d’apparat qui viennent à l’esprit, or, il est un élément que l’on oublie trop souvent : la parure, le bijou. Nous avons déjà évoqué les chaînes à chapeaux mais d’autres ornements venaient enrichir le costume en Bresse : les émaux bressans.
Chantés par le poète bressan Gabriel Vicaire en 1929 avec son recueil « Emaux bressans », ils sont évoqués pour la première fois en 1397 à Bourg-en-Bresse grâce aux émailleurs bressans qui ont fait la renommée de ces bijoux qui ont connu leur heure de gloire au 19ème siècle. Au départ porté par les grandes familles bressanes (avant tout dans l’Ain) à la richesse ostentatoire, ce signe de prestige à dépassé nos frontières pour connaître une renommée internationale. Au cours de ce siècle, les grands de ce monde firent la promotion du savoir-faire des émailleurs bressans  à l’image de la reine d’Italie qui portait ces bijoux ou du Shah d’Iran pour qui on réalisa une parure de bureau. Les émaux bressans furent même à la mode à Paris grâce à une artiste lyrique qui, au lieu d’interpréter en 1834 l’opéra de Fra Diavolo en Napolitaine, revêtit le costume bressan paré des plus beaux émaux : toutes les dames les admirèrent et un véritable engouement eut lieu autour des émaux bressans.
La renommée des émaux bressans tient à leur aspect coloré, lumineux, chatoyant (qui allaient par ailleurs à merveille avec le costume bressan puisqu’ils le rehaussaient) mais aussi au grand savoir-faire des émailleurs locaux. La particularité de ces émaux est que l’or qui les compose est directement placé sur l’émail, caractéristique unique en France.
La matière première utilisée par les émailleurs était la poudre d’émail, du cristal affiné, provenant de Limoges, colorée avec du cobalt ou du nickel pour obtenir du bleu, de l’argent, de l’antimoine pour le jaune, du fer, du cuivre, du chrome pour le vert, du manganèse pour le violet, de l’or pour le carmin… Ni champlevés, ni cloisonnés, les émaux sont réalisés sur fond d’argent fin, de vermeil et parfois d’or ; ce fond est légèrement croisillonné afin de mieux retenir la couleur ; l’envers est recouvert d’un contre émail pour consolider la pièce.
Après une première cuisson à 860°, on étale sur la pièce refroidie la poudre d’émail et de l’eau : la pigmentation est acquise à froid sauf pour le rouge qui prend sa teinte à la cuisson. Après un deuxième passage au four, on place les "paillons", ces petits filaments d’or travaillés et découpés un à un, symétriquement sur la pièce. Enfin, les "opales", fines perles d’émail blanc disposées dans leurs godets d’or, viennent donner tout leur éclat aux émaux.

Une fois terminés, ces émaux sont sertis par le bijoutier ou le sertisseur afin de devenir pendentifs, colliers, croix, bracelets, boucles d’oreilles, broches…, tous ces bijoux étant porteurs de sens et de valeurs ; ainsi la croix bressane, inspirée de la "Jeannette", protège-t-elle. Les boucles d’oreilles quant à elles étaient portées par les deux sexes : en effet, on leur donnait un pouvoir prophylactique devant améliorer la vue, chasser les humeurs, éviter les maux… Les broches étaient très portées en Bresse, en forme de cœur, d’étoile, à pendeloques… Une de ses variantes était "l’épingleto", une broche longue servant à épingler la bavette du tablier : ce bijou s’est popularisé par la suite puisqu’un modèle représentant une petite pensée en son centre fut créé en série au 19ème siècle et qu’il agrémenta la poitrine de toutes les paysannes, même de condition modeste. Un autre bijou réalisé à partir d’émaux bressans était le "collier d’esclavage". Ce collier était constitué de plusieurs chaînes d’or (d’où son nom) reliées entre elles par des plaques émaillées rondes, ovales ou en croissant, que le promis offrait à sa bien-aimée lors des "approchailles" ou "accordailles". Ce bijou a été très en vogue lors de la seconde moitié du 18ème siècle et d’autres modèles en laiton doré ou en vermeil furent créés. Objet unique et de valeur, les émaux bressans ont été réalisés au 19ème siècle par de grands émailleurs à Bourg-en-Bresse comme Bonnet et Fornet puis Decourcelles et Jacquemin au 20ème siècle : leurs noms est à jamais gravé sur leurs pièces grâce à leurs poinçons, marque obligatoire depuis 1797, date à laquelle l’or et l’argent sont assujettis à l’impôt et leur emploi contrôlé. Et au 21ème siècle, me direz-vous ? Et bien au 21ème siècle, la tradition des émaux bressans se poursuit grâce à la maison Jeanvoine installée à Bourg-en-Bresse depuis 1998 et formée par les derniers émailleurs du siècle dernier. Une nouvelle et jeune génération réalise encore aujourd’hui ces fabuleux émaux bressans dans le respect de la tradition et du savoir-faire, réalisant leurs pièces uniques à la main, comme il y a cent ans, selon les mêmes techniques. A ces techniques ancestrales vient cependant s’ajouter une créativité contemporaine : de nouvelles formes, de nouvelles couleurs (les bleus, rouges et verts sombres sont remplacés par des turquoises, jaunes ou violets) apportent un nouvel esprit à ces bijoux chargés de symboliques et d’âmes offerts à nouveau pour de grandes occasions et que l’on gardera à vie.  

Les "paillons" et les "opales" sont toujours là mais de nouvelles formes et de nouvelles couleurs viennent enrichir le répertoire des émaux bressans, pièce toujours unique.  

Comme les hommes portaient des bonnets de couleur différente selon leur âge, les coiffes étaient différentes selon le "statut". Déjà, dès la naissance garçon ou fille portait un bonnet afin de le protéger des changements climatiques mais aussi du mauvais sort qui pouvait le guetter s’il restait tête nue. Si les deux sexes étaient vêtus de la même façon en robe, la coiffe d’enfance et plus particulièrement son assemblage les différenciait : celle des garçons était formée de six pièces dites en "côte de melon" et rejointes à l’arrière de la tête et formant une sorte de pompon en soie de couleur ou en tulle ; celle des filles, appelée "béguin", était constituée de trois pans de tissus, deux pièces de côté et une médiane. Les garçons pouvaient porter leur bonnet jusqu’à dix-sept ans et les filles jusqu’à leur communion.
Pour elles, c’était ensuite la coiffe d’adolescence très simple, ressemblant à la petite coiffe mais distincte néanmoins par la couleur de la bride passant sous le menton : cette dernière était de couleur rouge. Le jour de son mariage, la bressane portait une coiffe qui lui était offerte par sa demoiselle d’honneur et devant être la plus belle possible : ainsi elle était enrichie de broderies et parfois de fils d’or ou d’argent.
Une fois mariée, la femme porte une coiffe où la aussi la mentonnière indiquait le statut matrimonial particulier : elle est dite à "béquillons" c’est-à-dire que la bride est le prolongement du premier rang de rucher et est ainsi constituée de dentelles ou de tulle tuyautée. Cette coiffe, les Bressanes pouvaient la porter jusqu’à la fin de leur vie mais en vieillissant, certaines portaient simplement un fichu ou un mouchoir de tête mais il était d’usage d’inhumer les femmes avec leur plus belle coiffe.
Enfin, nous avons déjà eu l’occasion de le mentionner auparavant, le deuil s’affichait sur les coiffes des femmes : laissant de côté tout signe extérieur de richesse, la coiffe était sans ornement, de bride noire et à un seul rang de rucher. Pendant la période de demi-deuil, soit deux ans après le grand deuil, les coiffes supportaient des broderies de couleur noire ou sépia sur le fond ou le rucher et les marques d’aisance sociale réapparaissaient.