Traditions bressanes

« Ding » ! La porte poussée, la clochette brise le silence d’une échoppe bien éclairée par de grandes opalines et dont les murs sont habillés de grandes étagères en bois montant jusqu’au plafond, remplies d’ouvrages dont la tranche de couleur rehaussée de dorures attirent l’œil. Sur ces étagères se trouvent soigneusement rangés des livres, de quoi ravir les esprits de « nourritures terrestres ».
Bien qu’en milieu rural, la lecture faisait souvent partie intégrante des veillées en famille : les personnes sachant lire lisaient à haute voix des ouvrages, principalement des journaux achetés le jour même où que l’on se passait dans le hameau, de voisin en voisin. On suivait ainsi ce qu’on appelle aujourd’hui « l’actualité » nationale, les échos économiques en essayant de comprendre tout en donnant son avis. La lecture et l’achat des livres sera plus tardive notamment à cause du coût d’achat d’un investissement que l’on trouvait moindre et non nécessaire : pour la lecture il y avait les journaux et devant les travaux de la ferme à effectuer, nul besoin de paresser devant un livre !... Mais peu à peu, grâce à la scolarisation par exemple, les bouquins font partie de l’intérieur bressan.
Les journaux ont également était un moyen d’introduction de la littérature dans les familles bressanes, surtout auprès de la gente féminine, grâce aux feuilletons. Les lecteurs et lectrices ont pris l’habitude de suivre les aventures des romans à suite sortis de l’imagination d’auteurs prolixes.
Les librairies étaient également le lieu de vente de tout ce qui relevait de l’écriture : encre, plumes, crayons à mines, boîte de compas, matériel de géométrie, ardoises, tampons mais aussi parfois machines à écrire. Publicité « Remington », « Excelsior » animaient le peu de murs restant dégagés des étagères rythmées par une ou plusieurs échelles en bois nécessaires au libraire vêtu d’une blouse grise ou blanche pour accéder aux rayonnages les plus élevés. Parfois, la librairie-papeterie se faisait maroquinerie et vendait cartables, pochettes… bref de quoi ravir les écoliers…

Tel pourrait être le nom d’une boutique toute particulière et où on ne se rendait que quelquefois dans sa vie, celle du bijoutier horloger. En Bresse, nous avons déjà longuement parlé l’année dernière de la tradition de fabrication des émaux bressans. Mis à part ces pièces d’orfèvrerie, les chaînes à chapeaux et petites épingles, les bijoux étaient assez peu nombreux. Encore au début du 20ème siècle, les bagues de fiançailles et alliances constituaient à peu près les seules parures des hommes et femmes.
Peu à peu, au fil des décennies, les visites chez le bijoutier se font plus fréquentes mais toujours en fonction de grands moments de la vie : achat d’une gourmette gravée pour le baptême, d’une croix et d’une montre pour la communion… Le bijoutier allait chercher dans sa vitrine et sortait alors de leurs écrins ces petits objets attirant tant de convoitise et synonymes de grands évènements.
Lorsqu’il n’est pas dans son magasin, il est dans son atelier, au fond la boutique et muni de lunettes spéciales, sous une grosse lampe, il répare, remonte des mécanismes, créé, grave devenant parfois joaillier.
Le principe même de la joaillerie consiste en la mise en valeur d'une pierre ou d'un ensemble de pierres sur une monture en métal, à l'inverse de la bijouterie qui est essentiellement axé sur des pièces en métal, parfois agrémentées de pierres. La bijouterie traditionnelle consiste à fabriquer des objets de parure mettant en valeur principalement l'argent, l'or et le platine : joncs, chaînes, médailles, chevalières, bracelets, …
De nos jours, à côté de la joaillerie ou de la bijouterie traditionnelle, il existe la bijouterie dite « fantaisie », utilisant des métaux non précieux comme le cuivre, le laiton, l'étain, le zamac, et plus récemment l'acier chirurgical et le titane. Cette partie de la bijouterie utilise aussi des matériaux tels que le cristal  - strass, l'émail à froid - résine époxy, les matières naturelles comme le bois, la corne, les plumes, ainsi que les résines de synthèse. Ses créations sont parfois d'une étonnante inventivité et ne sont pas toujours bon marché.
Quoi qu’il en soit, ces trois métiers  - joaillerie, bijouterie traditionnelle et de fantaisie - sont tout aussi créatifs les uns que les autres. De très nombreuses civilisations, par l'intermédiaire de ces artisans, ont ainsi créé et fabriqué des bijoux et des joyaux restant aujourd’hui encore comme des œuvres d’art à part entière.

Peu à peu la photographie envahit les campagnes grâce à des photographes ambulants, immortalisant à jamais pour la postérité une famille endimanchée sur la place du village, une communiante près d’un prie-Dieu ou toute une classe devant le préau de l’école. Grâce à un procédé inventé en 1860, un objectif créé par l’architecte Petzval permettant de photographier des personnages, on peut désormais se faire « tirer le portrait ». Mais on est encore loin de l’instantané : il ne fallait pas bouger pendant plusieurs secondes pour que la scène soit fixée sur les plaques du photographe. Le moindre mouvement et le visage d’une personne restera floue à jamais, comme on le voit souvent sur les photos de groupes. Pendant ce temps, le photographe se mettait derrière son appareil, sorte de grosse boîte en bois à soufflets monté sur un trépied, et plaçait sa tête sous un drap noir. Parfois, lorsqu’il n’était pas trop loin, on se rendait directement chez le photographe pour faire prendre en photo bébé ou le petit dernier avec ses frères et sœurs dans un décor de tentures, guéridons et balustrades. L’endroit était divisé en trois univers séparés : le laboratoire où étaient développées les photographies, le magasin où était vendu le matériel, et le studio. Quelques jours plus tard, la photographie apparaissait sur un support rigide au dos duquel était collée la carte de visite du photographe : son adresse, sa spécialité, ses récompenses et bien sûr son nom inscrit d’une belle manière avec pleins, déliés et arabesques apportant un côté luxueux à ce cliché.  Puis, au cours des décennies, en plus d’être le témoin et le créateur de moments uniques où on prenait la pose, le photographe deviendra celui qui révèle les clichés personnels de tout un chacun grâce à la démocratisation des appareils photo. On prendra alors plus de soin à immortaliser les moments exceptionnels, les premières fois - premières « vacances », première voiture…et ce, grâce à George Eastman créateur de la société Kodak à Rochester aux Etats-Unis en 1888 dont le slogan pour vendre des appareils et des pellicules était : « Appuyez sur le bouton, nous ferons les reste… ».    En noir et blanc, de couleur sépia, colorisés, les souvenirs de famille sur papier ont pris toutes les formes avant que la couleur ne s’affiche à son tour. Conservées dans de beaux albums photo, dans des cadres dorés sur la cheminée ou un buffet, ou entassées dans des boîtes métalliques, les photographies ont laissé pour la postérité le souvenir de visages à jamais figé, constituant également un patrimoine et un savoir sur les modes, les pratiques et coutumes d’autrefois. D’ailleurs, dans ces chroniques qui, je l’espère, occupent un peu de votre temps le samedi, ce sont souvent elles qui illustrent nos propos…

Un sourire a jamais figé pour l’éternité…