Traditions bressanes
L'animal que l'on appelait "Monsieur"...
En fin d’année, le Bressan se réservait cependant un cochon pour sa consommation personnelle. Le « tueur » ou le « bout’chi » passait une journée à la ferme pour tuer, préparer et dépecer l’animal afin d’en faire des salaisons et autres produits à conserver l’année durant au saloir : pâtés, crépinettes, rouelles, amélioreront ainsi l’ordinaire de la famille. Le tuage du cochon était aussi l’occasion de confectionner du boudin et d’organiser à la ferme un repas autour de ce mets (« le repas de cochon ») ou d’en porter aux voisins et amis.
On raconte que le cochon était le seul animal de la ferme à être vouvoyé et être appelé « Monsieur » par le paysan et sa famille : ce respect était dû au fait que de la grosseur et de la santé du cochon que l’on allait abattre dépendait la consommation en viande de la maisonnée pendant l’année. Ceci explique également la grande dévotion apporté à saint Antoine en Bresse, saint représenté aux côtés d’un cochon et donc sensé les protéger.
Mais cette déférence n’a pas toujours existé. A l’époque médiévale, les cochons étaient perçus négativement car sales (n’empêche que c’étaient eux qui jouaient le rôle d’éboueurs en mangeant les immondices jonchant les rues et ruelles des villes). Des procès ont même été intentés envers des cochons et des truies pour avoir mangé des enfants ou des nouveau-nés : certains ont été torturés, questionnés, pendus ou encore excommuniés ! Ces faits ont effectivement pu avoir lieu en quelques endroits et cette peur est restée gravée dans les esprits : dans certaines régions, on plaçait ainsi les berceaux en hauteur afin d’éviter que la truie ou le porc de la ferme pendant sa journée ne vienne manger le petit dernier de la famille…
Le cheval, animal choyé
Autre animal présent dans les fermes : le cheval. Plus souvent « le cheval » que « les chevaux » car avoir en sa possession un cheval a été pendant longtemps quasiment un luxe.
L’agriculteur possédant un cheval entretenait souvent avec lui une relation forte où le cheval était plus compris comme étant un compagnon qu’un moyen de travail. Le cheval était utilisé pour le travail de labour et était dressé à la voix : « hue ! », en avant ! ; « ho ! », arrête ! ; « hue ho ! », à droite ! ; « dia ! », à gauche ! ; « arrière ! », recule ! ; « revint ! », demi-tour !.
Si posséder un cheval était autrefois perçu comme un privilège, ce regard était dû au prix d’achat, un cheval ou une pouliche non dressé valant l’équivalent de deux bœufs. De plus, là où les bœufs ne demandaient pas de soins particuliers, le cheval avait ses habitudes chez le maréchal-ferrant. Enfin, pour tirer la charrue, les bœufs étaient attelés simplement à l’aide d’un joug alors que l’emploi d’un cheval nécessite tout un harnachement confectionné par le bourrelier et à entretenir.
Après la deuxième guerre mondiale, les animaux de trait commencent à être remplacés par les tracteurs Massey Harris, International Harvester, Renault ou par ceux conçus par des constructeurs locaux. Ce changement est dû à l’influence de la modernité et du progrès mais aussi au fait qu’après l’effort de guerre où nombre de chevaux ont été réquisitionnés, l’achat d’un cheval était quasi aussi onéreux que celui d’un tracteur.
L'élevage du cochon en Bresse
Autre animal particulièrement apprécié en Bresse : le cochon. Non pas que son teint rose et sa queue en tire-bouchon fassent craquer les Bressans mais plutôt que sa rusticité en faisait un animal simple à élever et à la finalité intéressante.
Les cochons vivaient à plusieurs individus dans la « soue » de la ferme, petit bâtiment ou partie de l’hébergeage repérable à ses « trappons », sorte de porte horizontale présente dans la partie inférieure d’un mur extérieur. En soulevant ce trappon, le paysan accédait directement à la mangeoire des porcs sans entrer dans la soue en elle-même. Les animaux ne restaient pas toujours enfermés, on les sortait les laissant en liberté dans la cour de la ferme ou on les mettait en pâture.
L’alimentation du cochon était des plus simples puisque cet animal est réputé pour manger absolument de tout, y compris les sous-produits ou déchets de la ferme. Petit lait, babeurre, résidus de fabrication du beurre et des fromages, feuilles de betteraves, raves, choux, courges, pommes-de-terre, farine de maïs, maïs en lait… étaient mis à cuire dans la « chaudière », broyés puis distribués à ces gloutons. Qui a déjà vu et entendu manger un cochon comprend parfaitement le pourquoi de l’expression « manger comme un cochon »…
Une truie faisant deux portées par an, les petits étaient vendus à la foire ou au marché ainsi que certains mâles ou femelles adultes. Dès les années 1950, la plupart des porcs vendus sur les marchés de Bresse louhannaise l’étaient à destination de l’entreprise Morey de Cuiseaux, entreprise familiale de charcuterie devenue depuis la société Bigard.
Du beurre fleuri...
Avant l’installation de coopératives laitières ou l’instauration du ramassage du lait, la fermière faisait subir au lait différents traitements afin d’obtenir beurre, crème, fromage en vue de la consommation familiale ou de la vente au marché.
Le beurre était obtenu en battant la crème tirée du lait : pour obtenir un kilogramme de beurre, il faut environ vingt litres de lait entier. A l’aide d’une baratte et par un procédé physique, les gouttelettes de matière grasse en suspension se rassemblent, le beurre se séparant alors du babeurre.
Il existe différents modèles de barattes, la plus courante autrefois en Bresse étant la baratte verticale à batte, baratte sous forme de jarre munie d'un couvercle troué par lequel un bâton avec un brasseur terminal agite la crème. La fabrique du beurre avec ce type de baratte était très fatiguant et nécessitait deux personnes : l'une tenait la baratte tandis que l'autre battait la crème jusqu'à l'obtention du beurre.
Une fois la préparation terminée, la fermière formait des mottes de beurre sur lesquelles elle apposait une marque, un dessin présent en creux au fond de son moule à beurre ou sur sa palette à beurre. A la vente au marché, les vendeuses se différenciaient ainsi par le motif que portait leur beurre qu’elles avaient pris soin de garder au frais au puits avant le jour du marché. Fleurs, vaches, épis étaient les motifs les plus courants.