Traditions bressanes

Bien qu’elle soit connue pour son poulet, la Bresse est aussi productrice de poulardes et chapons également détenteurs d’une Appellation d’Origine Contrôlée. La poularde est une volaille de sexe féminin dont l’abattage se fera à cinq mois après un séjour d’un mois en épinette. Sa chair est tendre et juteuse et les gourmets l’apprécient pochée dans un bouillon, froide en gelée ou encore « demi-deuil », c’est-à-dire truffée entre la chair et la peau. Le chapon quant à lui est un jeune mâle castré alors qu’il a six à huit semaines. A huit mois minimum et après un séjour d’un mois en épinette il sera saigné à jeun. Effilé et plumé, il sera ensuite roulé dans une toile végétale pendant quarante-huit heures afin d’acquérir la fameuse forme effilée dont nous avons déjà eu l’occasion de parler. Cette présentation où ne dépassent que les pattes bleues et la tête avec sa collerette de plumes blanches est visible lors des concours de volailles, surnommé les « Glorieuses ». Un peu avant la période de Noël, les villes de Louhans, Bourg-en-Bresse, Pont-de-Vaux et Montrevel organisent ces concours, aboutissement d’une année de travail pour les éleveurs. Des prix sont alors remis en fin de journée selon les mérites, entre grands prix d’honneur, prix d’honneur, premier, deuxième et troisième prix et prix honorables. En 1862, lors du premier concours qui eut lieu à Bourg-en-Bresse, les deux plus belles furent offertes à l’Empereur Napoléon III. Depuis, la tradition s’est maintenue et encore aujourd’hui, les deux plus chapons bressans sont envoyés au Président de la République afin d’honorer sa table de réveillon, en échange de quoi un vase de Sèvres est offert au meilleur volailler.   Pour fêter le cinquantenaire de l’AOC, une grande fête eut lieu le 1er août 2007 sous les arcades de Louhans : réitérée en 2008, elle le sera également cette année. A vos fourchettes !  

Les Glorieuses de Bresse sont toujours l’occasion de promouvoir la volaille de Bresse.

La « plume » à peine terminée, il était temps de passer à la cuisson : cette dernière allait durer le reste de la nuit et toute la journée du lendemain, soit une bonne vingtaine d’heures. On sortait alors le grand chaudron de cuivre spécialement réservé à cet effet : d’une contenance de 100 à 200 litres, ce récipient était religieusement conservé et entretenu en vue de la cuisson du vin cuit. Pour démarrer  la cuisson, on commençait par verser un ou deux seaux de liquide au fond du chaudron placé sur le foyer : ce pouvait être du jus de pomme, du vin blanc doux que l’on venait de presser ou tout simplement de l’eau. Puis on ajouter petit à petit les corbeilles de fruits préparés (la « ferte »). Après un ou deux heures de cuisson, l’ébullition commence, les fruits se teintant d’une belle couleur : reste alors à remuer sans cesse cette préparation afin qu’elle n’adhère ni ne brûle au fond du chaudron. Les hommes se relayeront alors au « pétouillon » ou « vélô » (selon les patois), grand manche terminé par une pièce de bois tendre épousant la forme du fond du chaudron afin de mélanger le vin cuit : de le « vinler » comme on disait. Lorsque la cuisson semble bonne, après une nuit et une journée de travail, on procède à la levée du vin cuit, c’est-à-dire à sa mise en pot. Certains passeront au four pour une conservation plus longue, d’autres seront vidés dès les débuts de l’hiver. Mais d’où vient ce nom de « vin cuit » car il n’est nulle question de fermentation ou d’ajout d’alcool dans cette préparation ? Encore un mystère du langage et des pratiques de nos anciens…  

L’association « Les Amis du Vieux Romenay » perpétue encore une fois par an la tradition du vin cuit (crédit photo : AVR).

Pour confectionner le vin cuit, il fallait tout d’abord récolter une bonne provision de poires durant l’automne. On grimpait alors sur les poiriers dits « de grand vent » (les haies fruitières et les fruitiers de formes basses n’étant alors pas connus) pour ramasser les poires « chenilles », les poires « livres » ou les poires « curé ». Les premières étaient celles réservées pour le vin cuit, les secondes devaient leur nom à leur taille énorme et à leur poids (500 grammes), les dernières faisaient partie des variétés les plus couramment rencontrées en Bresse. Lorsque l’accès était difficile ou périlleux, les branches se faisaient vivement secouer par les hommes, à la main ou à la gaule. Les femmes et les enfants, étaient de la partie pour cette récolte. Si la quantité de poires n’était pas suffisante, on ajoutait des pommes à la préparation du vin cuit. Une fois ramassée, il fallait alors « plumer » la récolte c’est-à-dire éplucher les fruits. On se retrouvait alors, comme pour la dépouille du maïs, amis, parents, voisins, à la grange, réunis en cercle autour des grandes corbeilles pleines de poires à préparer. Les uns pelaient les fruits pendant que d’autres les « écartelaient » (les coupaient en quartiers). Après de bonnes heures de travail, on restait encore un peu à la même place, les femmes d’un côté, les hommes de l’autres, pour se détendre et partager un moment à causer, à manger un bout et à boire un petit coup. Comme lors de toutes veillées, après les mains, c’étaient les langues qui s’activaient… 

La préparation des fruits nécessaires à la confection était l’occasion, comme pour les veillées, de se retrouver.