Traditions bressanes

La nuit du 24 au 25 décembre, les uns mangeaient, les autres entamaient des chants de Noël en patois mais certains étaient parfois trop curieux…
On croyait que cette nuit-là les bêtes s’agenouillaient et se parlaient entre elles dans les étables. Mais personne n’aurait voulu s’en assurer de peur de payer de sa vie cette indiscrète curiosité… Ainsi, Lucien Guillemaut nous rapporte l’aventure d’un malheureux que la curiosité a condamné : « J’ai entendu raconter à Ormes qu’un fermier, qui avait voulu entendre parler le bœuf, mourut le lendemain. Doutant quelque peu de la légende, il avait voulu en avoir le cœur net. Il était allé se coucher dans la crèche de ses bœufs vers les onze heures du soir. Sur le coup de minuit il entendit le Bardot dire au Roussot : « Dis donc, Roussot, qu’allons-nous faire demain ? ». – Le Roussot répondit : « Nous allons mener notre mettre en terre » ; puis, ils se turent. Le maître frappé de frayeur s’en alla et mourut de saisissement ».
Désormais ce sont les enfants qui, curieux, attendent impatiemment le passage du Père Noël… Santa Claus, le Père Noël, Saint-Nicolas et Sinterklaas ne font qu’un, descendant du roi romain des Saturnales. Saint-Nicolas fut un saint du IVème siècle et son culte se répandit au Moyen-Âge en Suisse, en Allemagne et en Hollande ; le jour de sa fête, le 6 décembre, fut ensuite associé à l’offrande de cadeaux. L’image du vieil homme à la barbe blanche habillé de rouge est très récente. Il y a un siècle, il était généralement représenté habillé d’une grande robe marron ou d’une fourrure, avec une couronne de houx sur la tête, portant une croix et une gourde de vin.
En 1885, aux Etats-Unis, un imprimeur de Boston imagina le Père Noël vêtu de rouge ; ce thème fut ensuite repris par la société Coca-Cola qui, dans les années 30, inventa l’image d’un joyeux personnage dans un costume rouge bordé de fourrure blanche. Les rennes qui tirent le traîneau du Père Noël viendraient des légendes du dieu viking Woden qui parcourait le ciel avec des rennes et 42 chasseurs fantômes.
Quel que soit son aspect, le Père Noël émerveille toujours autant petits et grands…

Les populations rurales ont toujours eu beaucoup d’imagination : la preuve avec ces deux fêtes au nom particulier, la Fête des Fous et la Fête des Rats.
En cette fin d’année, il n’est plus question de cérémonies burlesques qui, au Moyen-Âge et longtemps encore après, avaient lieu dans nos églises les jours suivant Noël, surtout le 28 décembre, fête des Saints Innocents. C’était ce que l’on appelait la Fête des Fous : des enfants de chœur et diverses personnes recrutées pour l’occasion, revêtaient des habits sacerdotaux et officiaient publiquement avec solennité, mêlant aux cérémonies religieuses des folies et indécences incroyables. Ainsi, après avoir élu un abbé ou prélat des Fous, on le conduisait au chœur en grande pompe pour qu’il donne, coiffé d’une mitre, la bénédiction aux assistants, le tout accompagné de chants burlesques, processions ridicules et danses folles au milieu de l’église. On remplissait les encensoirs de vieux morceaux de cuir au lien d’encens, on jouait aux dés, mangeait des saucisses et du boudin sous les yeux du célébrant…
Cette fête se rapprochait du carnaval du Moyen-Âge et portait l’empreinte du paganisme : elle semble avoir été empruntée aux Saturnales romaines et s’être continuée ensuite, imitant les représentations dramatiques que les pèlerins jouaient sur les parvis d’églises. Ce type de fêtes resta longtemps en vogue dans les diocèses de la Bourgogne et de la Comté, offrant de nombreuses variations.
La Fête des Rats a quant à elle a été ajoutée par le peuple aux saints du calendrier, le 29 décembre. Ceux qui seraient allés travailler ce jour-là où qui ne seraient pas aller à la messe, couraient le risque de voir leur linge et leurs sacs détériorés par les rongeurs. On racontait que deux ménages ayant été obligés de loger sous le même toit pour un temps, mélangèrent leur linge de corps et de lit. Une des familles avait célébré la Fête des Rats, l’autre non. Pendant le cours de l’année suivante, les rats surent bien reconnaître les linges des personnes ne les ayant pas fêtés : ils mirent les tissus en morceaux… et ne firent aucun mal à ceux de l’autre ménage. On vous aura prévenu…

C’est bientôt Noël. Cette fête du 25 décembre, reste, comme beaucoup d’autres fêtes, à la fois religieuse et profane.
Noël, l’une des plus anciennes du christianisme, fête de la naissance du Christ, devait en signe d’allégresse être accompagnée de réjouissances. Dans les églises, on l’a longtemps célébrée par des scènes animées et des spectacles allégoriques : on y voyait souvent une crèche et l’adoration des Mages et des bergers.
Dès le soir du 24, on ne travaillait nulle part à la veillée dans les campagnes : les femmes laissaient reposer leur quenouille et les hommes ne tillaient pas le chanvre. On allait en groupes à la messe de minuit, et au retour, dès la première heure du 25 décembre, la gaieté avait libre cours dans des repas ou collations appelés « réveillons », habitude datant du Moyen-Âge qui ne s’est jamais perdue. Si Noël tombait un vendredi, le pape autorisait partout la consommation de la viande ce jour-là.
On revenait péniblement de l’église par de mauvais chemins, à la lueur des lanternes et dans le froid de la nuit noire. On était alors heureux de trouver en rentrant le bon feu dans l’âtre et l’odeur alléchante des victuailles aiguisant l’appétit : c’était surtout du boudin, de la grillage, des gâteaux, des noisettes, des marrons et du vin blanc doux de l’année, du « vin bourru ».
Dans les familles, on bénissait la bûche énorme placée dans l’âtre dont elle devait entretenir le feu toute la nuit, la « bûche de Noël » : on versait du vin dessus en disant « Au nom du père ». Peut-être était-elle une réminiscence des feux allumés autrefois par les Celtes en cette nuit de solstice d’hiver, comme pour la Saint Jean au solstice d’été. D’après un vieux dicton, la bûche de Noël devait durer jusqu’au jour des Rois afin que la misère s’éloigne du logis.
Les enfants ne manquaient jamais de placer leurs chaussures au coin de la cheminée pour y trouver le lendemain le cadeau du petit Jésus : dans les familles pauvres, il n’y a encore pas si longtemps, les parents se privaient pour pouvoir offrir une simple orange et une friandise à leurs enfants pour qui ces cadeaux étaient un vrai bonheur…  

Nous sommes arrivés au dernier mois de l’année, en plein hiver : les distractions ne sont plus les mêmes et les journées sont bien longues…
Il fallait couper la monotonie de ces journées d’hiver par quelques distractions nouvelles… L’une d’elles était le « repas de cochon » : il se faisait à une époque indéterminée, le plus souvent entre la Saint Martin et Noël, alors que pour les besoins du ménage un cochon gras sera tué et dont la majeure partie ira au saloir.
Cet usage est très ancien, autant que la pratique de l’élevage des porcs en Bresse. Du temps des Gaulois, les peuplades séquanaises se trouvant sur la rive gauche de la Saône pratiquaient déjà l’élevage des porcs et en faisaient un commerce apparemment très réputé. On disait même en 1600 que le meilleur jambon présent à la « foire aux jambons de Paris » venait de Chalon-sur-Saône : il devait provenir en grande partie de la Bresse chalonnaise et du Louhannais.
De nombreux auteurs ou érudits on évoqué ces repas de cochon comme étant de vrais festins pantagruéliques, d’une durée interminable, où les paysans faisaient montre d’un robuste appétit rompant avec le jeûne forcé de tous les jours. La viande était en effet un mets de luxe, n’apparaissant sur leur table qu’à de bien rares occasions.
Le jour où l’on tuait le cochon a toujours été un grand évènement dans les maisons. C’était l’occasion d’une vraie fête et d’un dîner où l’on invitait les parents, les voisins, les amis dont quelques-uns avaient prêté la main à la besogne. On revêtait alors ses beaux habits, ceux « du dimanche » ou ceux, comme on disait alors, « à manger du fricot ». On faisait bombance complète de viande de porc et de ses reliefs formant boudins, andouilles, saucisses et fricassées. Du boudin et un peu de viande fraîche pour faire de la « grillade » étaient envoyés aux amis n’ayant pu venir. C’étaient là d’anciennes et bonnes habitudes rencontrées en Bresse que certaines familles ont su conserver en partie notamment avec l’abattage du cochon à la ferme.
Le repas de cochon était bien le symbole de l’entretien d’une certaine cordialité des relations d’amitié et de voisinage.