Traditions bressanes

Après être passé devant le maire, les époux devaient faire bénir leur union par le prêtre et s’échangeaient les alliances. La cérémonie se célébra pendant longtemps hors de l’église, sous le porche couvert : les fiancés étaient placés sous le « pattin », sorte de drap ou nappe brodée, qui était tenu par le garçon et la fille d’honneur, au-dessus de la tête des époux. Cette pratique, conservée encore dans de nombreuses paroisses au début du XXème siècle, a remplacé une autre plus ancienne, médiévale, la bénédiction des époux couchés dans le lit nuptial. Les anneaux bénis par le prêtre et que les mariés se passent au doigt ne doivent pas avoir de chaton qui romprait l’uniformité que doit présenter l’emblème de la fidélité. L’époux prend soin, lorsqu’il met l’anneau au doigt de son épouse, de bien le pousser après la deuxième jointure : s’il en était autrement, la femme serait la maîtresse au logis. Mais elle, de son côté, ne manque pas de plier le doigt pour que la bague ne puisse aller plus loin, car elle tient à avoir le présage de son profit. Les anneaux sont accompagnés d’une pièce d’argent dont l’offrande à l’épouse, regardée comme le signe de l’abondance, répond aussi, comme celui de l’anneau, aux traditions de la plus haute Antiquité. Depuis l’époque gallo-romaine, on choisissait l’annulaire de la main gauche pour  placer l’alliance car un canal était sensé le relier au foie, alors considéré comme étant le siège des émotions et donc de l’amour. A la sortie de l’église, les enfants de chœur tendaient un long ruban blanc barrant le chemin : une étrenne et les bises de la mariée et des jeunes filles de la noce permettaient de dégager le passage. Cette barrière était bien moins importante que celles qui attendaient le cortège tout au long de la route menant au lieu où était organisé le repas, chez la mariée où à l’auberge du village… Précédé par deux musiciens, le cortège était égayé par les jeunes gens de la noce qui tiraient des coups de pistolet et huchaient en signe de réjouissance et comme pour avertir toute la population de l’évènement.

Les photos ont immortalisé à jamais ce jour heureux qu’était le mariage, ici en 1923.

Une coutume était autrefois célèbre partout en Bresse et donnait lieu à de joyeuses soirées : le « tracassin »…
Lorsqu’un célibataire épousait une veuve ou inversement, le mariage était précédé du rite du « tracassin », se déroulant après la date des fiançailles officielles et rappelant le « charivari ». Un groupe de personnes (en général de quinze à trente) composé de voisins, d’amis, des jeunes du village mais aussi de curieux, d’opportunistes pour qui c’était l’occasion de boire à moindre frais, se réunissait un soir après le repas chez le ou la future. En principe, par respect du défunt, le tracassin ne se faisait pas chez le veuf ou la veuve.
La joyeuse bande avançait à tâtons et sans bruit près de la maison, veillant à ne pas se faire voir ni faire aboyer le chien de la ferme mais muni d’un ustensile propre à faire le plus de bruit de possible (casserole, bidon…) au moment propice. On attendait que tous les feux de la ferme soient éteints et une fois cette certitude acquise, chacun tapait sur son instrument de musique improvisé, le tout dans un tintamarre assourdissant.
La plupart du temps, l’intéressé(e) et sa famille se levait accueillir ces invités impromptus que l’on se dépêchait de servir en boisson autour de la table. On adressait alors ses vœux au futur ou à la future puis on chantait, dansait si un musicien faisait partie de la troupe. Une fois la fête terminée, chacun rentrait chez soi et la personne visitée pouvait se recoucher, satisfaite d’avoir passé cette étape. Par contre, si personne n’ouvrait, les jeunes gens invectivaient ces hôtes peu aimables et faisaient durer le tracassin longtemps dans la nuit et plusieurs jours de suite.
Une tradition empêchait que le tracassin ne se fasse : il suffisait, dès le début des fiançailles, de faire annoncer par le garde-champêtre, le dimanche matin après la messe, l’organisation d’un bal où tous étaient invités à l’occasion des noces. Seulement, on s’arrangeait pour donner des informations imprécises, de choisir des lieux inaccessibles et une date farfelue si bien qu’aucune festivité n’avait lieu mais par cette invitation publique, plus personne ne pouvait prétendre vouloir faire le tracassin à un couple.  

Les ménétriers et la musique en général accompagnaient tous les évènements de la vie des Bressans comme le mariage (photo Groupe Folklorique de Sainte-Croix).

Enfin ! Voici l’heureux jour du mariage ! La journée s’annonce longue pour les invités et pleine de festivités pour les époux.
Les invités étaient composés de la famille proche et lointaine, la camarade de communion demoiselle d’honneur, la couturière ayant confectionné la robe, les amis, les voisins, les « utilités » à savoir les personnes ayant un moyen de locomotion, et le chien, souvent présent sur les photos de mariage ! Tout ce beau monde se rendait, dans leurs plus beaux habits, chez la future mariée où on prenait une petite collation pour bien démarrer la journée, les noces ayant lieu en général tôt le matin et le repas s’annonçant assez loin du fait des multiples cérémonies et évènements attendus.
On attendait alors souvent la mariée qui se faisait désirer de la noce mais aussi de son époux qui ne l’avait encore pas vu dans sa robe : encore aujourd’hui, il est souvent avancé que l’époux ne doit pas voir la robe de sa future avant le jour de la noce sous peine de mariage malchanceux… Une fois les invités rassasiés de café, vin blanc, marc, brioche… et la mariée apprêtée, on se dirigeait vers les voitures à cheval décorées pour l’occasion de rubans blancs.
Le cortège était un moment important de la noce : aujourd’hui substitué par des voitures décorées et klaxonnant, il répondait autrefois à des règles imposées. La première voiture était ainsi constituée de la mariée, son père, le couple d’honneur et le ménétrier avec sa vielle ou sa clarinette (chaque évènement marquant étant accompagné de musique en Bresse) alors que le cortège était clos par le marié et sa mère. Au sein de ce cortège, le transport de l’armoire qui contenait le trousseau de la jeune fille constituait un véritable cérémonial que l’on voyait encore à la fin du XIXème siècle en Bresse : sur le devant de la voiture, la quenouille se dressait, chargée de rubans, avec le fuseau et l’œuvre, et le départ avait lieu au son de la viole et de la cornemuse.
Ainsi formé, on se rendait à la mairie où le maire, par ailleurs invité à l’apéritif, après quelques formalités et les différentes quêtes, présentait ses vœux aux époux. On se dirigeait alors à pied à l’église où le prêtre attendait le cortège sur le parvis.

Ce que nous appelons aujourd’hui les fiançailles se résument en un repas officialisant les relations d’un jeune couple : autrefois, il s’agissait d’une période de visites et de présents.
Avant le jour du mariage, restait une « formalité » qui était les fiançailles : elles permettaient d’officialiser les choses mais aussi de dissuader définitivement de potentiels courtisans… Les deux jeunes gens, accompagnés du garçon et de la fille d’honneur, rendaient visite aux membres des deux familles afin de faire les invitations et présenter l’élu(e) choisi(e) : la future offrait des dragées et le futur une prise de tabac. Les personnes visitées et invitées à la noce les accueillaient avec de bons repas améliorant l’ordinaire et leur faisaient des cadeaux comme la tradition le voulait, en fonction des richesses de chacun. Les beaux-parents offraient des robes à la fiancée et du linge au futur gendre ; les parrains et marraines quant à eux, se montraient plus généreux, offrant de la vaisselle et des bijoux.
Des témoignages ont rapporté que pendant cette période de fiançailles, il est arrivé que le garçon d’honneur eut finalement la préférence de la future plutôt que l’époux prévu ! D’autres attestent que cette protection rapprochée permettait d’éviter les cas de « consommation » avant le mariage : la chasteté était bien évidemment de rigueur et des cas « d’engrossement » avant le mariage permettaient à un couple dont l’union n’était pas acceptée par tous d’avancer et d’assurer leur mariage. Bien évidement, cela était très mal vu et lorsque une jeune femme avait « cassé ses sabots » avant le mariage, il était célébré très simplement, avec le moins de démonstrations possibles et très tôt le matin ou tard le soir.
C’est durant cette période que les futurs époux commencent à se séparer des amis de leur âge : le jeune homme invite ses compagnons à un banquet pour enterrer sa vie de garçon comme cela se fait encore aujourd’hui, et la jeune fille visite ses amies et leur offre de petits présents.

Le mariage restait l’un des moments importants de la vie : au début du siècle à Sainte-Croix, une reconstitution d’une noce bressane a été immortalisée par une carte postale.