Traditions bressanes

Pour toutes les Catherinettes d’aujourd’hui, voici l’origine de ce jour qui leur est dédié… La fête de la Sainte Catherine, le 25 novembre, était très attendue par les jeunes filles pour qui c’était l’occasion de petites réunions, d’amusements, de réjouissances comme la Saint Nicolas l’était pour les écoliers et les jeunes garçons. Il y avait pour ces fêtes, surtout en ville, des goûters, agapes, petits festins suivis de jeux et de danses. Autrefois, en France comme dans d’autres pays catholiques, on coiffait les statues des saints et des saintes qui étaient  placées dans les églises : les jeunes filles avaient le privilège de renouveler la coiffure de la statue de Sainte Catherine le jour de sa fête. Ce privilège était très recherché par les jeunes filles tant qu’elles étaient jeunes, mais en prenant de l’âge, elles se montraient moins empressées. « Coiffer Sainte Catherine » était devenu pour elles une expression ironique indiquant qu’elles ne parvenaient pas à trouver un mari. Dans l’attente, on disait volontiers qu’à vingt-cinq  ans on place une première épingle à la coiffe de la sainte ; à trente ans, une seconde ; à trente-cinq ans, la coiffure est achevée. Par analogie, on dit d’un homme qui reste célibataire qu’il « porte la crosse de Saint Nicolas ». D’ailleurs un dicton bressan illustre cette pratique d’honorer Sainte Catherine : « A la sainte Catherine, les petites filles rient, les grandes prient pour avoir un homme et les vieilles sont furieuses de n’en point voir ». Sainte Catherine était partout très honorée et plusieurs églises de Bresse conservaient d’anciennes fresques la représentant : Ainsi, Lucien Guillemaut mentionne celle de La Chapelle-Naude, visible en 1900 : elle représentait la sainte tenant l’épée avec laquelle elle fut décapitée, près d’elle la roue armée de pointes de fer, instrument de son martyr, et à sa pieds un philosophe converti par son éloquence. D’après la légende chrétienne, des flots de lait au lieu de sang s’étaient échappés de sa blessure.

Le 11 novembre arrive la fête de saint Martin, évêque du IVème siècle connu pour avoir partagé son manteau avec un pauvre.
Le jour de la Saint Martin, on se livrait autrefois à des réjouissances presque païennes où l’on dansait et buvait du premier vin de l’année comme le dit un dicton populaire : « A la Saint Martin, bois le vin et laisse l’eau au moulin ». Ces réjouissances se sont perpétuées d’âge en âge et étaient devenues un hommage au vin nouveau. C’était un honneur rendu au dieu des vendanges, comme une réminiscence antique : cette fête coïncidait avec l’époque de l’année ou les Grecs et les Romains célébraient dans l’Antiquités des fêtes en l’honneur de Bacchus, les Vinalia ou Bacchanales. L’action des anciens et celle des modernes se confondent parfois dans une double origine et un même objet…
Cette fête était très populaire  notamment pour ses « oies de la Saint Martin »  puisque c’est le  moment de l’année où le volatile, parvenu à un bon degré d’engraissement, commence à être à point. Si le saint était le patron des gourmands, il était aussi celui des pauvres et son image était l’emblème de la bienfaisance et de la générosité.
Mais la Saint Martin était également en Bresse la date à laquelle les domestiques pouvaient changer de maisons (dans le Châlonnais, c’était plutôt lors de la saint Aubin, le 1er mars). A Bourg, la foire de la Saint Martin était celle des domestiques : très animée, elle était aussi très pittoresque. Les domestiques qui étaient sans place, filles ou garçons, stationnaient dans une rue et attendaient que des maîtres ou maîtresses viennent les engager.
Dans le Louhannais comme dans la Bresse de l’Ain, le 11 novembre est resté pendant très longtemps le jour des paiements de fermages, des changements de fermiers, le commencement de l’année agricole… Les baux des fermes, faits généralement pour trois, six ou neuf ans débutaient le 11 novembre pour la Saint Martin.

En ces jours où les climats se fait plus rigoureux et les journées plus courtes, parlons de ces jeux que les enfants inventaient dès les premières gelées.
Avec l’arrivée du mois de novembre, la neige était encore à attendre mais le froid commençait à s’installer en Bresse, un froid humide accru par l’omniprésence des brumes et brouillards habillant notre région. Le gel a déjà fait son apparition et certains matins, les carreaux des fermes bressanes se trouvaient avoir gelés de l’intérieur par manque d’isolation.
Pour les enfants, le trajet pour aller à l’école devenait plus frisquet mais pouvait s’avérer plus amusant : bien évidemment, on glissait sur les mares et les fossés gelés en espérant que la glace tienne assez pour recevoir les chutes des polissons. D’autres, suçaient les glaçons se formant à la tombée des toits, les chéneaux étant alors inexistants, ou les faisaient fondre sur la chaudière où l’on faisait cuire les patates pour les cochons.
Un jeu était autrefois très en vogue car porteur de sensations mais fait à l’insu des adultes : il consistait tout simplement à placer sa langue contre une pièce métallique (garde-corps, poteaux…). Rien d’exceptionnel me direz-vous si ce n’est qu’avec le gel et le contact du métal, la salive se solidifiait et la langue restait collée ! Il fallait alors exhaler du souffle chaud afin que les bambins, plus ou moins âgés d’ailleurs, puissent se défaire de cette emprise, en rigoler avec les copains et recommencer à la prochaine occasion… 
Mais le gel ne faisait pas qu’amuser, il pouvait également être très désagréable lorsque portant un cache-nez ce dernier se givrait du fait de la respiration. Autrefois, les gros anoraks et doudounes d’aujourd’hui n’existaient pas : on était engoncé dans des gros pulls tricotés, on portait des passe-montagne, des moufles en laine laissant simplement le pouce manœuvrer et des grosses chaussettes en laine qui retombaient inlassablement sur les chevilles l’élastique se détendant à force d’usure !... 
Le retour du chemin de l’école se faisait alors dans la pénombre, les pensées allant déjà aux jeux que l’on ferait à nouveau le lendemain…

Le 1er et le 2 novembre, la Toussaint et le Jour des Morts, le glas funèbre appelle les fidèles aux offices et à la prière pour les trépassés.
Il était d’usage autrefois, le soir de la Toussaint, de faire brûler des cierges à l’église pendant que les cloches faisaient entendre leur son lugubre. A minuit, on éteignait les cierges et les cloches cessaient. Aussitôt les sonneurs quittaient l’église et munis d’une lanterne et d’une petite clochette allaient dans les rues la faisant retentir à la porte des maisons et criant : « Réveillez-vous, gens qui dormez et priez Dieu pour les Trépassés ». Souvent les sonneurs ne se contentaient pas de sonner et crier : ils frappaient aux portes pour mieux éveiller les dormeurs en psalmodiant d’un ton lugubre leur tristes lamentations.
Cet usage avait donné lieu à la quête des sonneurs qui s’est confondue avec celle du donneur d’eau bénite qui, plusieurs fois par an, se présentait devant les maisons et pénétrait dans la chambre principale dont il aspergeait le seuil en récitant l’Asperges me Domine. Dans les villages, il s’agissait généralement d’un pauvre choisi par le curé à qui l’on faisait une petite aumône, recevant aussi du pain ou de la flamusse.
A la campagne, la dissémination des maisons et leur éloignement du bourg avaient rendu bien difficile la permanence de ces quêtes chaque semaine. De plus, il pouvait n’y avoir qu’un seul donneur d’eau bénite attitré pour tout le village, comme à Louhans. Il n’allait qu’une fois ou deux par an dans les maisons : le samedi saint et le dernier jour d’octobre ou le premier de novembre. Pour ce deuxième passage, sa quête se confondait avec celle des sonneurs.
Le jour de la Toussaint, une vieille superstition faisait manger des bouillies de millet décortiqué ou pilé au repas du soir : autant de grains avalés, autant d’âmes délivrées du purgatoire ! A l’occasion de certaines fêtes, comme les Rogations, il était dangereux de faire la lessive : cela pouvait entraîner la mort du chef de la maison. Elle était à craindre aussi si on la faisait les jours précédant la Toussaint : les lessiveuses risquaient du même coup de « laver leur suaire ».