Traditions bressanes

Si la table ou le lit restent généralement d’aspect assez rustique et sobre, d’autres meubles sont eux réalisés plus finement, de manière plus recherchée comme c’est le cas du vaisselier faisant peu à peu son introduction au sein des fermes bressanes. Ce meuble est plus ostentatoire que les précédents puisqu’on le plaçait le plus souvent face à la porte d’entrée de la ferme pour montrer sa richesse en plaçant la belle vaisselle dans la partie supérieure ouverte, la vaisselle ordinaire étant rangée dans la partie inférieure, fermée.
L’horloge apparaît peu de temps après le vaisselier, à la fin du 18ème siècle. Moins connue que sa consœur comtoise, l’horloge  bressane est plus ventrue, plus élégante dira-t-on par orgueil et possède comme le vaisselier un décor de loupe en façade. 
Plus tard, ces deux types de meubles vont se jumeler pour donner naissance au vaisselier-horloge, vaisselier comportant en son centre une horloge : la production de ce type de meuble a duré de la fin du 19ème siècle à la première guerre mondiale, mais certains ont été créés de toute pièce en associant des éléments d’époques différentes comme un vaisselier 19ème et une horloge 18ème. Présent dans les milieux bourgeois, le vaisselier-horloge avait également pour pendant dans ces mêmes situations la crédence-horloge, meuble associant de même façon une crédence ou un buffet à une horloge.
Mais s’il est un meuble qui vient souvent à l’esprit lorsque l’on évoque le mobilier bressan, c’est bien l’armoire. Apparue pour remplacer les coffres à habits, l’armoire, premier meuble bressan en tant que tel, marque par son apparition un meilleur niveau de vie en Bresse au cours du 18ème siècle et sera porteuse de la qualité d’imagination et d’exécution de l’artisan bressan.
Généralement, l’armoire était offerte à l’occasion des noces d’une jeune fille de la maison : elle contenait sa dot et participait même au cortège nuptial le jour des noces placée sur un char, donnant lieu à un véritable cérémoniel. 

Le mobilier bressan en tant que tel apparait au dernier tiers du 17ème siècle mais se généralise au 18ème lorsque les coffres à habits trapus et rustiques sont remplacés peu à peu par les armoires. La création de mobilier est une nécessité en Bresse puisque la structure en pan de bois des maisons ne permet pas la réalisation de rangements muraux. Une fois cette réalité donnée, le Bressan s’est adapté aux essences de bois présentent sur son territoire, cette terre argileuse et humide largement recouverte par la forêt. Très morcelée elle ne comporte que des essences utiles à l’homme comme le chêne pour la confection des meubles, le bouleau pour les sabots, les fruitiers également pour les meubles mais aussi pour la consommation en fruits. Enfin, le type de boisement en Bresse est le taillis sous futaie : un taillis producteur de bois de chauffage sous une futaie protectrice de bois d’œuvre.
Devant l’abondance de la forêt mais aussi du bocage bressan et à la diversité de leurs essences, le Bressan a donc utilisé deux types de bois différents donnant au mobilier bressan le nom de « mobilier à deux tons ». L’ossature est en bois solide et foncé comme le chêne, la façade est constituée d’une essence lumineuse (poirier, cerisier ou noyer) et les panneaux sont en loupe d’orme ou de frêne.  La loupe est une maladie de l’arbre empêchant la pousse des branches et créant des nodosités. Les hommes ont également « créés » de la loupe en taillant les arbres, notamment ceux constituant les haies que l’on devait couper par coutume tous les cinq ou sept ans. La loupe n’est pas utilisée en parement mais bien en épaisseur, comme constituant à part entière de la structure du meuble.

En général, le mobilier bressan est de style rustique et Louis XV c’est-à-dire à pieds galbés et surtout associant plusieurs essences, comme nous l’avons déjà vu. S’il est très présent chez les Bressans, le mobilier de ferme n’est pas le même que celui que l’on trouvait dans les maisons bourgeoises. Ainsi, les meubles de ferme étaient assez petits du fait de la petite taille des fermes bressanes, très basses de plafond.
Faisons ensemble un petit point sur le mobilier type d’une ferme bressane en commençant avec l’élément le plus important, la table. Toute la famille vivait dans une grande pièce chauffée par la cheminée, l’hutau, au centre duquel était la table à « yettes » ou à tirettes, ces tiroirs coulissants servant de rangement, de garde-manger, séparés par un petit tiroir central et présents uniquement sur un côté. L’assise se faisait sur des bancs car permettant d’accueillir beaucoup de monde autour de la table : le maître de maison au centre (face au petit tiroir), le grand valet à côté, puis les fils et domestiques, les femmes restant debout pendant le repas des messieurs.
La table était placée sous la poutre maîtresse de la maison, parallèlement, poutre qui soutenait une échelle à pain ou dans laquelle étaient pratiqués des trous pour placer la cuillère de chacun que l’on prenait installé sur le banc. Au bout, pouvait être adjoint un panetier (l’ancêtre de notre huche à pain), coffre en bois dans lequel on plaçait le pain et muni d’un système de récupération des miettes. Plus généralement, on conservait le pain là où on l’avait confectionnait, à savoir dans la maie, ou pétrin, sorte de coffre trapézoïdal sur pieds.
Si l’on mangeait dans cet hutau, on y dormait aussi, dans des lits de coin fermés où dormaient les parents et dans un autre les enfants, la plupart du temps ensemble, têtes bêches. Les nouveau-nés étaient placés dans une bercelonnette, berceau haut et étroit placé près du lit des parents pour le bercer directement couchés, à la main ou au pied.

Le surlendemain du décès était le jour des obsèques, jour du dernier adieu fait au défunt… La levée du corps se faisait à domicile en présence du prêtre, des enfants de chœur ainsi que de la famille du défunt. Une fois placé sur le corbillard, le cercueil prenait le chemin du cimetière : toutes les personnes qui croisaient le cortège funèbre devaient signer le cercueil avec une branche de buis et de l’eau bénite contenus dans l’écuelle habituelle du défunt, porté lors de ce dernier voyage par une femme du voisinage. Cette écuelle était parfois placée sur le cercueil une fois au fond de la fosse. La famille, placée par ordre de parenté, suivait le corbillard tiré par des chevaux ou des bœufs : il était de coutume que des personnes du même âge que le défunt tiennent les glands du drap funéraire et marchent à côté du corbillard. Lors de l’office religieux, la messe des morts, célébré en latin avec chants de psaumes, on avait l’habitude de distribuer de petits cierges aux personnes de l’assistance qui les allumaient et allaient, à la fin de l’office, en procession, baiser le Christ. La cérémonie se terminait par une bénédiction et chacun venait faire un signe de croix sur le cercueil et déposer une pièce de monnaie dans un plateau placé à cet effet près du cercueil. Une fois dans le cimetière, où le corps était descendu dans la fosse, le prêtre avait l’habitude de jeter une poignée de terre sur le cercueil, coutume déjà pratiquée en Gaule, et geste reproduit par l’assistance en dernier hommage au défunt. Enfin, il était d’usage en Bresse, que la famille se retrouve autour d’un bon repas chez le défunt : parents et amis, parfois venus de loin, remplissaient ainsi leurs estomacs avant de reprendre la route et se mettaient à table en l’honneur du défunt dont ils évoquaient les qualités pour un dernier adieu.

Naissance, baptêmes, approchailles, fiançailles, mariage et funérailles : ainsi se termine la vie de notre Bressan dont la mémoire reste néanmoins à travers les traditions, souvenirs et gestes…