Traditions bressanes
Mares, sources et lavoirs
Autre particularité de Frontenaud, la forte présence d’étangs, mares et autres points d’eau. Dans la cadre de ses activités liées au patrimoine naturel de la commune, le Foyer Rural a nettoyé et aménagé quelques-uns de ces lieux, notamment les sources comme celle des Chardenières. Panonceau et autres éléments en bois ont été installés afin d’attirer le regard des promeneurs et des curieux sur ces lieux que les habitants utilisaient autrefois. Selon ce même principe a été mis en valeur la « Fontaine de Charnequin » : sous ce terme se cache en fait un simple trou d’eau qu’une source naturelle venait alimenter. Pierres, petit pont et banc viennent apporter un peu de jeunesse à ce coin où certaines Frontenaliennes venaient rincer leur lessive. En effet, dans les villages où il n’existait pas de lavoirs « en dur » comme il peut en subsister à Champagnat par exemple, les villageoises avaient pour habitude de se rendre au bord de la rivière la plus proche pour battre le linge et le rincer. C’est ainsi qu’à Sainte-Croix, quelques cartes postales ont immortalisé des planches à laver posées au pied du déversoir du Solnan, à l’entrée du village. A Frontenaud, les habitants des Chardenières se rendaient également au déversoir mais au moulin de Tagiset, à la limite entre les deux communes. Mais d’autres lavoirs « naturels » et « à l’air libre » existaient au cœur de la campagne bressane. C’est ainsi que les villageoises de Rérafay se rendaient « au lavoir », à la source de Charnequin. Chaque famille avait son jour de lessive et descendait de son hameau avec sa brouette et sa lessiveuse remplie de linge déjà frotté et bouilli mais que l’on venait rincer « au lavoir ». Ce rituel, qui avait lieu le lundi dans la famille Culas, s’est perpétué jusqu’à ce que l’eau courante fasse son apparition dans les maisons, au cours des années 1960. Un autre de ces « lavoirs » se situait en contrebas du bourg du village, en direction des Crozes : il n’existe plus aujourd’hui et a été remplacé par un lotissement bien nommé « Lotissement du Lavoir ».
Aux abords de la « Source des Chardenières ».
L'Harmonie de Frontenaud
Dernière étape de notre évocation du patrimoine immatériel et vivant que constituent ce que l’on pourrait appeler les « pratiques culturelles » des Frontenali : l’Harmonie de Frontenaud. On l’a vu, la musique fut et est toujours présente au cœur de la vie communale et associative du village. D’ailleurs, le ton est donné (si vous me permettez ce jeu de mots un peu facile) grâce à une fresque peinte sur le mur de la « Place de la Paix », située derrière la mairie. Réalisée il y a une vingtaine d’années par les enfants de l’école sous l’impulsion d’Anne Dogliani, cette composition présente les lettres constituant le nom « Frontenaud » sous forme de musiciens, sur fond de portée. Comme le rappelle la bannière de la société, l’Harmonie de Frontenaud a été créée en 1923 autour de Joseph Lonjarret. Ce Frontenali surnommé « l’homme à la clarinette », jardinier de métier mais musicien confirmé lors de son service militaire au 60ème RI de Besançon, regroupa autour de lui quelques jeunes hommes du village qu’il initia à la musique. Un groupe fut donc constitué, d’abord de manière informelle : ne possédant aucune organisation officielle, ce sont les musiciens eux-mêmes qui achetèrent leurs instruments. La première manifestation publique de cette formation qui comptait alors de 18 à 20 exécutants eut lieu en 1922 à l’occasion de l’inauguration du monument aux morts. Sous l’impulsion du maire de l’époque, Monsieur Badot, et de son secrétaire qui était également l’instituteur (Eugène Gandroz), l’Harmonie de Frontenaud vit le jour en mai 1923, date à laquelle ses statuts furent déposés en sous-préfecture de Louhans. Au fil des décennies, les noms se succédèrent aux postes de président, de chef et autres fonctions purement administratives ou plus techniques. Connaissant un succès appréciable, l’Harmonie fut cependant confrontée à deux périodes difficiles : lors de seconde guerre mondiale (comme partout), et dans les années 1970 où la dissolution fut sérieusement envisagée faute de pratiquants. Quelques sociétaires redonnèrent alors un second souffle, notamment grâce à son actuel chef et ancien maire : Michel Vandroux. Aujourd’hui, l’Harmonie de Frontenaud compte une quarantaine de sociétaires, âgés d’une dizaine d’années à 73 ans. Les plus jeunes (très nombreux) s’initient au solfège avant de choisir l’un des instruments composant la formation : batterie, trompette, clarinette, saxophone, trombone, basse, bugle, flûte traversière, euphonium, etc. Les membres de l’Harmonie (longtemps reconnaissables à leur « uniforme » : casquette noire, chemise bleu clair et cravate bordeaux) se réunissent tous les dimanches matins dans l’une des salles de l’ancienne école enfantine afin de se produire tout au long de l’année. Pentecôte à Louhans, fête patronale du village mais aussi des communes alentours sont l’occasion de voir (et d’écouter !) l’Harmonie, sans oublier les cérémonies patriotiques, ainsi que les incontournables concerts de la Sainte-Cécile et de Pâques, institutions dans la commune pour bon nombre de familles comptant ou ayant compté un ou plusieurs membres musiciens. Il n’est également pas rare que plusieurs générations d’une même famille se succèdent ou se côtoient au sein de l’Harmonie. Depuis quelques années, l’Harmonie participe également à la Fête de la musique en jouant en plein air chez des particuliers, changeant de hameau chaque année : en 2012, les habitants de la commune se sont ainsi réunis aux Chardonnières. 2013 sera l’année marquant le 90ème anniversaire de l’Harmonie de Frontenaud : des évènements festifs semblent se mettre en place…
La fresque de la « Place de la Paix ».
Au gré des chemins
En se baladant au gré des chemins du village, Frontenaud apparait comme un village typique de la Bresse bourguignonne : le paysage est dominé par une alternance entre espaces ouverts agricoles (cultures et prairies) et espaces forestiers. Cours d’eau, mares et haies bocagères viennent clore ce tableau. L’habitat est également caractéristique de la région : regroupé au centre bourg et dans de plus ou moins vastes hameaux dont l’occupation est parfois séculaires comme ont pu l’attester quelques découvertes ou des représentations telles que la carte de Cassini. Cette implantation traduit la préoccupation de l’exploitation paysanne d’établir la ferme au cœur des terres, qui plus est sur des « hauteurs », notamment pour dominer des terrains bas et parfois marécageux. Au gré de ces hameaux, au bord des routes, se dressent d’assez fréquentes croix dont le fort nombre laisse perplexe… C’est ainsi que l’on peut en voir en pierre et fer forgé à La Fournaise et sur la Route des Caravattes. D’autres sont en bois, à l’image de celle dressée sur la route menant aux Pommerattes et de celle de Rérafay. A la gare (bâtiment et usage n’existent plus aujourd’hui, mais le lieu a conservé cette dénomination), entre deux grands arbres et près du « Temple » (nous reviendrons sur cet édifice plus tard) une belle croix en pierre, bois et métal est également présente. La plupart ont été érigées au milieu du 19ème siècle mais l’inscription de quelques dates proches de nous (« 1993 » aux Pommerattes) indique des restaurations ou mises en valeurs récentes. Une autre croix, entièrement en pierre et portant les inscriptions « O crux ave spes unica » et « Donné par Ferdinand et Auguste Dompmartin. Frontenaud 29 octobre 1876 », est visible à l’entrée du bourg, côté Sainte-Croix. Elle fait désormais partie d’un aménagement faisant se côtoyer une horloge « géante » et un jardinier à la tâche réalisé à l’aide de divers outils assemblés. En effet, il n’échappe à personne en traversant le bourg que le fleurissement et les agréments et ornements divers sont légion à Frontenaud. Aux abords de la salle des fêtes, c’est un puits, un chaudron et une charrette qui sont fleuris, alors qu’à deux pas tourne une toue à aubes sous un édicule ayant conservé une plaque directionnelle de la fin du 19ème siècle. Cette dernière donne des indications sur le « chemin d’intérêt commun n° 12 » : Louhans est à 11 km, Dommartin à 7 et Saint-Amour à 15. Ce petit élément de notre patrimoine renvoie à l’histoire de la constitution du réseau routier français, facteur de changements dans la vie des habitants des zones rurales du pays. Les Chemins d’Intérêt Commun (CIC) ont été créés en 1836 et font partie de ce qui était appelée la « voirie vicinale ». Deux catégories se côtoyaient alors : la voirie communale non classée (chemins ruraux et voirie communale) à la charge des communes ; les chemins vicinaux classés regroupant les Chemins de Grande Communication (CGC), les fameux Chemins d’Intérêt Commun et les chemins vicinaux ordinaires, tous gérés grâce aux subventions du Conseil général mais placés sous le contrôle du Préfet. Les CGC et CIC seront confondus sous le nom de « chemins départementaux » en 1938.
La croix près du « Temple », à la Gare.
L'Union Cycliste de Frontenaud
Nous l'avons vu au travers des souvenirs de Daniel, "Frontenali" né en 1950, les occupations étaient variées à Frontenaud, souvent créées à l'initiative de quelques personnes, sans lien avec une quelconque organisation associative. C'est ainsi qu'au début des années 1960, un bon groupe de jeunes de la commune s'essaye à diverses activités afin de se retrouver mais aussi de créer une certaine dynamique au sein de la commune. Il y aura la constitution des Copains Boum, déjà citée, mais aussi l'organisation de combats de catch où les organisateurs étaient aussi les protagonistes... Une équipe de football vit également le jour mais de manière "non officielle" puisque l'équipe ne comportait que sept joueurs. Les jeunes gens avaient pour habitude de s'affronter à ceux de "l'équipe" de Sainte-Croix, commune où il n'y avait pas de terrain de foot. A Frontenaud, le terrain se trouvait à l'emplacement de l'actuel. Les sportifs de l'époque rapportent que les lignes du terrain étaient matérialisées par de la sciure ramenée de la scierie Prabel et que les cages étaient constituées de chevrons, également fournis par la scierie. Les matches se déroulaient sans interruption de 13h30 à 17h puis se terminaient autour d'un vin chaud pris au café Ponsot. L'équipe de Frontenaud arborait comme couleurs le jaune et le bleu : les équipiers s'étaient mis d'accord pour un "maillot" jaune car chacun des membres possédait dans ses effets personnels un tee-shirt jaune... Les chaussettes, bleues et jaunes donc, avaient été tricotées par les mamans des joueurs... La jeunesse masculine s'adonnait également au cyclisme, à l'image de deux jeunes gens qui décidèrent en juillet 1963 de monter au col de la Faucille. Le "périple" durera deux jours, la nuit de "repos" ayant été passée dans l'écurie d'une ferme à La Cure. Nous sommes bien loin de l'organisation médiatique du Tour de France ! Le cyclisme fait toujours partie des festivités de la commune (nous le verrons la semaine prochaine), mais a également fait l'objet d'une association : l'Union Cycliste de Frontenaud. C'est en mai 1907 que sont déposés les statuts de l'UCF par le président Bouchard-Frachet sous l'aval du maire, Monsieur Dommartin. Les vice-présidents étaient alors Messieurs Vandrot et Prabel ; le directeur, Monsieur Jannin ; le secrétaire-trésorier, Monsieur Bouchard-Dumont. Le siège social de l'association également dénommée "Société de Cyclistes de Frontenaud" était en mairie. Parmi les 25 articles, quelques-uns sont "sympathiques" : " Art. 3 - Sont admises comme membres toutes les personnes faisant du cyclisme : hommes, femmes, jeunes gens, jeunes filles, majeurs ou non, mais de bonne vie et mœurs. (...) Art. 20 - La modération la plus grande est recommandée dans les sorties et l'allure de quinze kilomètres à l'heure, ne devra pas être dépassée." Toujours d'après les statuts, le but de l'Union Cycliste de Frontenaud était "d'entretenir et de développer entre ses membres des liens d'amitié et de solidarité ; d'organiser des fêtes, lorsqu'elle aura fait les frais de sa constitution et qu'elle possèdera des fonds ; de créer des courses de bicyclettes à l'occasion de la fête patronale de la commune". D'après les témoignages, il semble que la Société cessa son activité lorsqu'éclata la guerre en 1914. En 1959, le cyclisme s'invite à nouveau à Frontenaud grâce à la relance de la course cycliste du village à l'occasion de la fête patronale. Jusqu'en 1998, le lundi après-midi de la fête bat son plein au rythme de la course. La fête durait alors trois jours, le lundi étant "banalisé" sur la commune afin que chacun puisse assister aux festivités. L'auteure de ces lignes se souvient avec émotion de ces lundis après-midi de juillet qu'elle ne manquait sous aucun prétexte, la course passant devant chez ses grands-parents où une belle montée tortueuse attendait les sportifs ! Les voisins et amis arrivaient : on sortait alors chaises et couvertures à l'ombre du cerisier afin de s'installer et d'encourager les valeureux cyclistes passant à plusieurs reprises durant l'après-midi. Notons que la course de 1959 fut remportée par un enfant du pays, Serge Prudent, à la grande joie des villageois. Aujourd'hui, la fête de Frontenaud ne dure plus que le temps d'un week-end mais les manèges, le concert de l'Harmonie et les feux d'artifices sont toujours au programme, tout comme la course qui reprit du service en 2005. C'est désormais le samedi après-midi que deux courses animent la commune, sous l'égide du Foyer Rural et chapeautée par le Vélo Club de Tournus. Près de 100 coureurs participent à chacune des deux catégories ("Pass' Cyclisme" et catégories 1 et 2), mobilisant une quarantaine de "signaleurs" locaux. Vers 1980, une autre course vit le jour à Frontenaud à l'occasion de la fête patronale : un défilé humoristique costumé, de préférence sur de vielles montures ! De nombreuses photographies rappellent ces moments où se côtoyèrent fantômes, chinois, africains, les frères Dupont, et bien d'autres personnages plus atypiques les uns que les autres. Certains se rappelleront peut-être de "Popeye" déguisé en prêtre afin de parodier le curé de la paroisse, l'abbé Renaud, qui se trouvait justement dans l'assistance ce jour-là...
Des participants se rendant au défilé humoristique en 1980 : « les frères Dupont ». (Collection particulière)