Traditions bressanes

Parmi la vingtaine de lieux recensés en Saône-et-Loire dits « chapelles à répit », certains se trouvent dans notre région à l’image de Notre-Dame de Bon Rencontre à Nanc près de Saint-Amour ou de Notre-Dame Miraculeuse (ou de l’Isle) à Bletterans. On rapporte encore que dans la chapelle seigneuriale de Sainte-Croix, la statue de Notre-Dame de Pitié aurait ressuscité un bébé au 17ème siècle juste le temps de la baptiser.
Mais la plus célèbre des vierges à répit bressanes est sans conteste la vierge noire de Notre-Dame du Noyer à Cuiseaux. On raconte qu’en 1249, un berger découvrit une statue de la Vierge Marie au pied d’un noyer : on la porta en l’église du village mais le lendemain elle était de retour auprès de son noyer. Le seigneur de Cuiseaux, Jean de Chalon, fil alors construire une chapelle en ce lieu. On rapporte encore que la statue y fit jaillir une source miraculeuse guérissant les maladies des yeux.
La statue, qui est une vierge noire, se trouve actuellement en l’église de Cuiseaux où une chapelle lui est consacrée et dont les murs sont recouverts d’ex voto puisque. En effet, surtout au 18ème siècle, on lui attribue divers miracles : protection contre la peste et la variole, contre la sécheresse, et même contre l’invasion des Prussiens. Toujours invoquée de nos jours, on allait surtout la voir en tant que Vierge « à répit » : on lui attribue d’avoir redonné vie à 63 enfants mort-nés entre 1702 et 1867.
Enfin, on faisait également référence à Saint Vit (ou Vite) pour ranimer les enfants afin de leur administrer le sacrement du baptême comme ce fut le cas en l’église de Mouthier-en-Bresse. Les dons du saint sont facilement compréhensibles : pour ranimer un corps on prononçait le nom du saint à répétition « Vit, Vit, Vit… » sensé redonner vie…

Hormis ces grottes que l’on pourrait surnommer des « Lourdes de chez nous », le culte marial se traduisait au sein de chapelles ou d’églises à commencer par celui qui avait cours à Cuisery.
Très populaire, le pèlerinage à Notre-Dame de la Chaux est vieux de plusieurs siècles puisque l’on sait que la chapelle et la statue de la Vierge d’origine ont été détruites au 15ème siècle. La statue présentée actuellement date du 16ème siècle et la chapelle fut reconstruite aux 18ème et 19ème siècles. Le pèlerinage d’origine avait lieu le 8 septembre puis a été décalé au dernier dimanche du même mois. Les mères y venaient pour guérir leurs enfants et ce jusque dans les années 1950. On venait à Cuisery pour soigner fièvre et maux d’estomac et on faisait boire l’eau de la source aux enfants pour qu’ils marchent de bonne heure. On dit également que les femmes enceinte assistant  au pèlerinage mettraient au monde un enfant aux cheveux frisés.
A Cormoz, on invoque Notre-Dame du Prompt-Secours à la chapelle de Bellor le premier dimanche de mai et de septembre pour la guérison des maladies. Si le pèlerinage est connu depuis le 17ème siècle, la chapelle n’a été construite que par la suite. On raconte que le seigneur de Foissiat traversant un bois au sud de Cormoz fut stoppé par sa monture qui refusait d’avancer. C’est alors qu’il découvrit la statuette de la Vierge dans le creux d’un vieux chêne : il promit de construire un oratoire pour elle s’il retrouvait son chemin. Cette Vierge était connue des paysans habitant les hameaux alentours, bien loin de l’église paroissiale : ils se rendaient ainsi auprès d’elle pour faire leur dévotion.
La chapelle d’origine fut détruite pendant la Révolution puis restaurée et agrandie au début du 19ème siècle. La chapelle actuelle fut érigée après la guerre de 1870 pour remercier la Vierge d’avoir protégé la région des Prussiens. On y venait en pèlerinage du nord de l’Ain et du sud de la Bresse louhannaise (Montpont, Varennes, Romenay…).
Continuons notre tour d’horizon des lieux sacrés bressans dédiés à la Vierge Marie en allant à Charrette. On priait Notre-Dame pour les malades et on venait en procession en sa chapelle pour les récoltes. C’est le seigneur du lieu qui fit élever une chapelle à son retour de croisades : différentes chapelles dédiées à Notre-Dame de la Pitié se succédèrent jusqu’à ce que la dernière soit définitivement démolie en 1920. La statue quant à elle rejoignit l’église de la commune.
A Saint-André-en-Bresse s’est tenu un pèlerinage consacré à Notre-Dame de la Pitié jusque dans les années 1980. Dès le début du 18ème siècle, une statue abritée dans une chapelle rurale était l’objet de dévotion : elle fut descendue dans un puits en 1793. On raconte que le petit oratoire visible dans le cimetière de la commune a été érigé sur ce puits.
A Damerey, près de Saint-Martin-en-Bresse, on invoque depuis le 15ème siècle Notre-Dame-des-Neiges pour atténuer les maux d’yeux et pour trouver un époux. On raclait même la pierre du socle pour en absorber la poussière à laquelle on attribuait des vertus miraculeuses.
A Sens-sur-Seille, au hameau de Visargent, on adorait Notre-Dame de la Chesnaye. Au 19ème siècle, une bergère découvrit la statue de la sainte dans un buisson : elle la porta en la chapelle du château mais cette dernière revint à sa place. C’est ainsi que l’on fit ériger au lieu même de sa découverte une petite chapelle : d’un accès difficile, en 1958, le curé de la paroisse fit ériger un oratoire plus accessible le long de la route de Saint-Germain-du-Bois.
Enfin, près de Cousance, c’est Notre-Dame du Chêne que l’on prie à la chapelle du Bois Brûlé où repose une statue achetée à Rome au cours d’un pèlerinage au 18ème siècle. Placée dans une niche champêtre, on lui érigea par la suite une chapelle qui fut remplacée par une autre en 1901 où sont exposés de nombreux ex voto en remerciement de grâces accordées.

La Bresse compte quelques chapelles ou statues particulières, dites « à répit ». Selon la croyance populaire, le « répit » est, chez un enfant mort-né, un retour temporaire à la vie le temps de lui conférer le baptême avant la mort définitive. Ayant été baptisé, l’enfant pourra de ce fait entrer en paradis au lieu d’errer éternellement dans les limbes où il serait privé de la vision de Dieu. Mais le répit n’est possible qu’en certains sanctuaires, le plus souvent consacrés à la Vierge dont l’intercession est nécessaire pour obtenir un miracle. L’enfant mort-né est souvent apporté dans les heures suivant l’accouchement, généralement par le père accompagné d’un ou plusieurs voisins. Arrivé au sanctuaire, le corps de l’enfant est déposé devant l’autel de la Vierge, priée avec ferveur par tous les assistants, auxquels se joignent généralement un ou plusieurs prêtres attachés au sanctuaire. On guette le moindre signe pouvant faire croire à un retour temporaire à la vie : coloration du visage, émission d’un souffle, bruit en provenance du petit corps, apparition de quelques gouttes de sang aux narines… Si un de ces événements survient, l’enfant est immédiatement baptisé par un des prêtres présents. La mort définitive survient peu après, mais l’assistance est soulagée : l’âme de l’enfant est désormais en paradis. Après la « seconde mort » le petit cadavre est inhumé sur place. Dans certains endroits, un coin particulier du cimetière est consacré aux enfants ayant bénéficié d’un répit. Les archives des sanctuaires à répit les plus célèbres ont conservé des centaines de témoignages de ces faits jugés miraculeux, consignés par des prêtres. Il ne semble pas qu’il y ait eu supercherie ou hallucination collective dans ces récits, mais interprétation erronée de phénomènes physiques dus au processus de décomposition des petits cadavres bien étudié par la médecine légale du 19ème siècle. Pour les témoins, quelque chose d’extraordinaire se produisait.

Face à une forte mortalité infantile, il était très important pour les parents que leur enfant soit baptisé : les vierges à répit étaient l’occasion de « ranimer » le corps avant le trépas.

Si quasiment chaque paroisse possédait des saints guérisseurs, certaines ont vu se développer des pèlerinages bien particuliers. Citons-en quelques-uns, pêle-mêle, que nous n’avons pas encore évoqués ensemble : ceux consacrés à la Vierge. Mère du Christ représentant la pureté, la Vierge a de tous temps été vénérée : de nombreux lieux de culte païens dédiés à des divinités féminines ont été christianisés et consacrés à Marie. Mais son culte a subi des « cotes de popularités » à différentes époques, notamment après les apparitions de Bernadette Soubirous à Lourdes en 1855. Une mode s’ensuivit, celle de créer des reproductions de la grotte miraculeuse. Cinq sont connues en Bresse. La première, et sans doute la plus réputée en son temps, fut celle de Varennes-Saint-Sauveur : construite en 1870, elle fut détruite en 1955. Lucien Rhéty nous donne quelques éléments la concernant dans son ouvrage Les anciens de Varennes racontent… La Mémoire Partagée. D’après la tradition populaire, elle aurait été construite par Mlle Virginie Lyonnais, sœur de l’abbé Lyonnais. Ce serait lui qui lui aurait inspiré cette fondation car supérieur du Petit Séminaire de Rimont où il y construisit une ou deux grottes. Celle de Varennes se trouvait au bout de l’actuelle rue Henri Vincent, proche de la rivière et où s’écoulait une source. La grotte s’est d’ailleurs éboulée au moment du captage de cette source. Une seconde grotte fut érigée en l’église de Ciel en 1892 : un pèlerinage s’y tenait les 11 février. Une troisième existe en l’église de Simard et à Bantanges restent les vestiges d’une grotte fondée en 1929. Enfin, la dernière a été réalisée à Thurey en 1950 en remerciement puisqu’aucun patriote ne fut fusillé dans cette commune lors de la Deuxième Guerre Mondiale à l’inverse des villages alentours, à l’exception également de Lessard-en-Bresse, Vérissey et Tronchy.

Après le chêne de Lamartine, Varennes-Saint-Sauveur pouvait s’enorgueillir de posséder la grotte de Lourdes…